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faciliter le recours immédiat à l’arbitrage, les puissances signataires devaient constituer un tribunal permanent sur les bases suivantes. On établirait dans une ville d’Europe un « bureau central, » qui serait « l’intermédiaire des communications relatives à la réunion du tribunal à la requête des parties en litige, » et qui garderait ses archives. Chaque puissance signataire transmettrait aux autres « les noms de deux personnes de sa nationalité reconnues dans leur pays comme juristes ou publicistes de mérite et jouissant de la plus haute considération quant à leur intégrité, » qui seraient disposées à remplir les fonctions d’arbitre. Les personnes ainsi désignées seraient membres du tribunal et devraient être, à ce titre, inscrites au bureau central. Celui-ci fournirait la liste de ces membres aux puissances signataires qui feraient connaître leur intention de recourir au tribunal permanent pour le règlement pacifique de leurs différends. Ces puissances choisiraient, sur la liste, le nombre d’arbitres fixé par le compromis. Elles auraient en outre la faculté de leur adjoindre d’autres arbitres, non inscrits sur cette liste. Les arbitres, ainsi désignés, formeront le tribunal pour cet arbitrage (for the purposes of such arbitration.) Ils se réuniraient à la date fixée par les parties en litige.

Cette proposition, soumise en première lecture au comité d’examen, le 9 juin, fut bien accueillie, si ce n’est par le docteur Zorn, plénipotentiaire de l’empire allemand. Celui-ci, tout en exprimant l’espoir qu’un jour viendrait où les conflits entre les États seraient portés pour la plupart devant une juridiction permanente, laissa pressentir l’opposition de son gouvernement ; M. Asser, au nom des Pays-Bas, se récria ; il lui semblait que rien ne justifiât ces conclusions. Il fut, cette fois, appuyé par le comte Nigra. Le représentant de l’Italie adjura M. Zorn de ne pas maintenir une décision aussi absolue dans une question qui intéressait à un si haut degré l’humanité tout entière : « L’impatience avec laquelle sont attendus dans l’opinion publique les résultats de nos travaux, ajoutait-il, est devenue si grande qu’il serait dangereux de répudier une telle proposition. La conférence, en opposant sur toute la ligne un non possumus au vœu public, provoquerait une vive déception et serait gravement responsable devant l’histoire, devant les populations, devant l’empereur de Russie lui-même. » Le docteur Zorn finit par laisser entendre qu’il consulterait son gouvernement.

Les membres du comité, prenant acte de cette demi-promesse,