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Si ces expédiens provisoires pouvaient ménager aux vins de Pouille, déshérités de notre indispensable clientèle, des marchés insuffisans encore, mais tout au moins importans, et s’ils inauguraient ainsi très efficacement le relèvement de cette région, l’honneur en revenait à l’« Association des propriétaires et agriculteurs », dont le siège est à Naples, et qui rassemble les hommes les plus dévoués aux intérêts économiques du Midi. La Pouille avait accepté des entraîneurs, si l’on ose ainsi dire ; ils venaient du Nord ; elle avait subi des percepteurs, ils venaient de Rome ; ses bienfaiteurs et ses sauveurs, elle les trouvait parmi les hommes du Midi, parmi ceux qui continuaient d’affirmer la solidarité des provinces méridionales et qui n’aimaient point à détacher la Pouille de son cadre historique, le vieux royaume de Naples. Que les progrès de l’industrie dans la province de Bari pussent un jour racheter les misères de l’agriculture dans tout le reste des Pouilles, c’est là une espérance que ces hommes-là n’acceptaient point ; ils persistaient à observer qu’en Pouille, d’après les statistiques les plus complaisantes, le chiffre des ouvriers d’industrie ne dépasse point 2 pour 100 de la population totale. C’est à l’agriculture que les Pouilles sont vouées.

Or ces hommes du Midi, consultés sur la valeur même des mesures de transition qu’ils avaient fait prendre pour assurer aux produits agricoles des Pouilles quelques débouchés, reconnaissaient, sans fausse honte, sans orgueil « mégalomane, » que le rétablissement des relations avec la France serait la seule sauvegarde décisive. Ils constataient que la France, malgré la reconstitution de ses vignobles, emprunte encore à l’étranger 8 à 9 millions d’hectolitres de vin, et ils croyaient pouvoir affirmer que les nouveaux vins indigènes dont elle est justement fière seraient utilement coupés avec le vin des Pouilles. Ils gardaient un souvenir fidèle, un ineffaçable regret, du temps où la France absorbait plus des deux cinquièmes de l’exportation italienne, et volontiers ils déclaraient avec M. le député Giusso, que la fermeture du marché français avait été un acte de démence de la part de l’Italie. C’est ainsi que les évolutions économiques et politiques conduisaient l’Italie du sud-est à compter fort peu sur elle-même, moins encore sur son gouvernement, beaucoup sur la France.

Les Pouilles, dans l’ancien royaume de Naples, étaient une province à part, province d’une vie distincte, se suffisant à peu près à elle-même : l’unité italienne leur coûta leur autonomie