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qui, grâce à la fondation de l’ « Association industrielle et commerciale, » a maintenu l’esprit d’entreprise dans l’agglomération de Bari. L’âpreté des souffrances, la vivacité des rancunes contre le sort et contre l’État, furent surtout aggravées par certains publicistes qui rejetaient sur les Pouilles la responsabilité de leur misère en les taxant d’imprudence : outre que le reproche était peu justifié, il semblait méconnaître un des traits de caractère auxquels l’homme des Pouilles est le plus attaché, cette lenteur pondérée, un peu timide, presque lourde, que M. Pavoncelli avait eu le mérite d’ébranler.

« Qu’on se garde bien, s’écriait, il n’y a pas longtemps, un député des provinces méridionales[1], d’attribuer les dommages subis, comme parfois on le fait, à l’imprévoyance de la Pouille. Nous faisons allusion à ceux qui ont dénoncé, comme la cause du mal, la fougue de ces hommes d’initiative qui, grâce au crédit des banques commerciales, créèrent les nouveaux vignobles des Pouilles, ne réfléchissant pas qu’un moment la France pourrait fermer ses frontières. Eh bien ! nous devons hautement déplorer, une fois au moins, que des jugemens si injustes, et presque si cruels, aient été prononcés par des Italiens. On s’est souvent lamenté, on se lamente encore, de la négligence qu’on mettait et qu’on met à pourvoir à l’avenir du pays par la transformation des cultures, et on voudrait condamner les hommes courageux qui ont accompli des miracles, on voudrait faire le procès des méthodes et des moyens employés ! » En fait, c’est la rupture avec la France qui était la cause de tout le mal : la Pouille le sentait ; et tout d’abord, ayant on ne sait quel secret désir de venger sur la France les erreurs de l’Italie, elle se proposa, non sans fracas, de faire concurrence à l’industrie du cognac français. La Chambre de commerce de Bari demanda solennellement, en 1891, l’institution de magasins généraux où l’eau-de-vie, destinée à être transformée en cognac, vieillirait gratuitement sans être soumise dès l’abord à aucune taxe de fabrication. Il faut reconnaître que la situation financière du royaume ne permettait pas au pouvoir central d’accorder aux alcools toutes les immunités que réclamait la Chambre de commerce de Bari ; et cette façon de cartel jeté à nos cognacs ne fut qu’une parole en l’air, sans efficacité.

L’affaissement des regrets succédait aux tentatives de prises

  1. Giusso, Della convenienza per l’Italia di stipulare con la Francia un trattato di commercio, p. 7 (Naples 1897).