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LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION
DE
LUCRÈCE[1]
(22 AVRIL 1843)

Le 27 mars 1843, l’acteur Bocage, alors dans tout l’éclat de son talent, réunissait chez lui un certain nombre d’académiciens, d’artistes, de députés, et de journalistes. Il avait convié cette élite amie à venir écouter la lecture d’un manuscrit. Les esprits étaient, à cette époque, volontiers curieux de littérature : tous les invités furent présens.

La plupart connaissaient déjà des fragmens de la tragédie qu’ils allaient entendre. Cette tragédie était Lucrèce ; et Lucrèce faisait vraiment beaucoup parler d’elle. Des cafés d’étudians, des galeries de l’Odéon, un bruit de prochain triomphe s’était levé, qui n’avait point tardé à pénétrer dans les salons littéraires. On allait enfin savoir ce qu’il convenait de penser de la pièce et de son auteur : un certain M. Reynaud, suivant les uns, un certain M. Ponsard, selon les autres, à coup sûr un inconnu fraîchement débarqué de sa province. Et en effet, les invités de Bocage virent aux côtés du maître de la maison deux jeunes gens que personne

  1. A l’occasion de la reprise annoncée de Charlotte Corday, nous avons pensé qu’on ne lirait pas sans intérêt ces renseignemens inédits sur les débuts littéraires du poète. Nous les devons à l’obligeance de son fils ; et ils forment l’un des chapitres du livre que M. F. Ponsard prépare sur la Vie et l’Œuvre de l’auteur de Lucrèce et de Charlotte Corday.