Le 27 mars 1843, l’acteur Bocage, alors dans tout l’éclat de son talent, réunissait chez lui un certain nombre d’académiciens, d’artistes, de députés, et de journalistes. Il avait convié cette élite amie à venir écouter la lecture d’un manuscrit. Les esprits étaient, à cette époque, volontiers curieux de littérature : tous les invités furent présens.
La plupart connaissaient déjà des fragmens de la tragédie qu’ils allaient entendre. Cette tragédie était Lucrèce ; et Lucrèce faisait vraiment beaucoup parler d’elle. Des cafés d’étudians, des galeries de l’Odéon, un bruit de prochain triomphe s’était levé, qui n’avait point tardé à pénétrer dans les salons littéraires. On allait enfin savoir ce qu’il convenait de penser de la pièce et de son auteur : un certain M. Reynaud, suivant les uns, un certain M. Ponsard, selon les autres, à coup sûr un inconnu fraîchement débarqué de sa province. Et en effet, les invités de Bocage virent aux côtés du maître de la maison deux jeunes gens que personne
- ↑ A l’occasion de la reprise annoncée de Charlotte Corday, nous avons pensé qu’on ne lirait pas sans intérêt ces renseignemens inédits sur les débuts littéraires du poète. Nous les devons à l’obligeance de son fils ; et ils forment l’un des chapitres du livre que M. F. Ponsard prépare sur la Vie et l’Œuvre de l’auteur de Lucrèce et de Charlotte Corday.