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feront comprendre soit à l’un, soit à l’autre des adversaires la folie de leur entreprise ; elles évoqueront, le cas échéant, le souvenir des services qu’elles ont rendus, l’espoir de ceux qu’elles pourront rendre ; elles useront de l’ascendant que donnent une grande armée, de vastes territoires, le respect du monde. Elles auront enfin l’éloquence du désintéressement. Mais, en outre (et c’était là le côté profondément original du projet russe), cette double médiation était flanquée d’une institution complémentaire : le gouvernement du tsar fortifiait encore ce mécanisme en créant les commissions internationales d’enquête.

« Dans les cas où se produiraient entre les États signataires, lit-on dans les articles 14 et 15 du projet, des divergences d’appréciation par rapport aux circonstances locales ayant donné lieu à un litige d’ordre international qui ne pourrait pas être résolu par les voies diplomatiques ordinaires, mais dans lequel ni l’honneur, ni les intérêts vitaux de ces États ne seraient engagés, les gouvernemens intéressés conviennent d’instituer une commission internationale d’enquête afin de constater les circonstances ayant donné matière au dissentiment et d’éclaircir sur les lieux par un examen impartial et consciencieux toutes les questions de fait. Ces commissions internationales sont constituées comme suit : chaque gouvernement intéressé nomme deux membres et les quatre membres réunis choisissent le cinquième membre... » M. de Martens avait exposé, M. Descamps a très bien expliqué dans son rapport à la Conférence, ce que le gouvernement impérial de Russie prétendait obtenir. Ces commissions, a-t-il dit, ont déjà fait la preuve des services qu’elles peuvent rendre quand un conflit éclate entre deux États de bonne foi ; par exemple, s’il survient entre eux un incident de frontière ; l’opinion s’enflamme d’autant plus que l’incident est plus inattendu et qu’elle est moins renseignée. La commission internationale devra rechercher et faire connaître la vérité quant aux causes de l’incident et quant à la matérialité des faits : la commission fera son rapport, qui ne liera jamais les parties. Par là même on retardera, l’on évitera donc peut-être l’ouverture des hostilités. Le gouvernement russe demandait enfin à la Conférence (et c’était le point essentiel, le pivot de tout le système) d’imposer aux puissances signataires, en cas de litige, l’engagement de nommer ces commissions. Tout le projet combiné prenait dès lors une très grande importance.