Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et immédiat, sans aucune interposition d’outils perfectionnés de la main-d’œuvre humaine, que la Chine d’aujourd’hui ; et les instrumens mécaniques introduits au début du XIXe siècle étaient moins perfectionnés que ceux de l’aurore du XXe. On sait quels sont encore aujourd’hui les préjugés ouvriers contre le machinisme et l’économie de main-d’œuvre qui en résulte. Sans doute cette économie n’est en somme qu’un déplacement ; elle n’en entraîne pas moins des souffrances passagères et des crises d’adaptation, La preuve qu’il peut y avoir de ce fait des troubles graves à redouter en Chine, c’est qu’il vient de s’en produire dans le Yunnan, où les résidens européens de Mong-tze, consul de France et employés des douanes, ont été assiégés pendant plusieurs jours par une populace furieuse : l’origine de la révolte, c’est que les mineurs du voisinage craignaient, — ou des gens malintentionnés leur avaient fait craindre, — qu’on ne voulût bientôt appliquer à l’exploitation des gisemens métalliques voisins les méthodes européennes et priver ainsi de leur gagne-pain beaucoup d’ouvriers ; des troubles, moins sérieux toutefois, ont été provoqués par l’ouverture des chantiers du chemin de fer aux environs de Kiao-Tchéou.

A l’exception de ce dernier cas, on doit cependant reconnaître que les travaux actuellement en cours ne paraissent pas avoir suscité une grande émotion parmi les riverains. Quelques actes locaux de brigandage ont été commis dans la haute Mandchourie, mais c’est là un pays désert, où peuvent bien errer quelques bandes de malandrins, mais où l’opposition des populations n’est pas, en réalité, à redouter, par la bonne raison qu’elles sont des plus clairsemées. Aux abords de Newchwang au contraire les deux voies, anglaise et russe, avancent rapidement, sans soulever aucun trouble ; il en est de même du côté de Shanhaï-Kwan. Au sud aussi bien qu’au nord les travaux du Pékin-Hankéou, dont plus de 100 kilomètres de voie sont déjà posés de ce dernier côté, ne se sont heurtés à aucun mauvais vouloir des habitans. Les craintes qu’on a pu concevoir de ce chef semblent donc exagérées, pourvu qu’on prenne quelques précautions élémentaires pour ne pas rompre en visière aux usages du pays et que, par exemple, on détourne un peu la voie, comme on l’a fait aux environs de Tientsin, pour éviter les cimetières.

Si les résistances locales ne paraissent pas devoir apporter d’obstacles sérieux à l’exécution des chemins de fer, n’a-t-on pas