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la qualité de leur sol, c’est bien plus encore l’abondance des minéraux qu’il renferme qui fera dans l’avenir leur principale richesse. La présence d’immenses gisemens de houille, d’anthracite et de minerai de fer facilement exploitables, auprès desquels ceux de l’Angleterre sont presque insignifians, transformera un jour en un des plus grands centres industriels du monde cette région que la difficulté des communications, l’impossibilité de naviguer sur le Hoang-ho avaient jusqu’à présent soustraite à toute action européenne. Les chemins de fer allemands du Chantoung sont encore à peine commencés dans le voisinage de Kiao-tchéou ; l’emprunt qui doit fournir les fonds nécessaires n’a été souscrit à Berlin qu’au mois de juin dernier.

Deux grandes lignes de chemin de fer doivent réunir le nord au centre de l’Empire du Milieu, allant de Tientsin et de Pékin à la vallée du Yang-tze à travers la grande plaine chinoise : la première est celle de Pékin à Hankéou. C’est la première voie ferrée qu’un édit impérial ait donné l’autorisation d’établir en Chine ; mais elle a subi bien des vicissitudes depuis qu’en 1889, le célèbre Chang-Chih-Toung, qui en était le promoteur, fut chargé de la construire et nommé à cet effet vice-roi d’Hankéou. Bien que très progressif, ce grand mandarin se méfiait fort des étrangers, sinon de leurs inventions, et prétendait construire la ligne avec les seules ressources indigènes, le capital aussi bien que les matériaux devant être trouvés en Chine. Comme on pouvait s’y attendre, ce fâcheux exclusivisme fit tout échouer. Les forges que Chang établit à Hanyang, à côté d’Hankéou, parvinrent à grand’peine à fournir un peu de mauvais acier ; et les capitalistes chinois, se méfiant à leur tour des mandarins, firent la sourde oreille à ses plus chaleureuses invitations. On laissa dormir le projet, qui ne fut repris qu’après la guerre. Un syndicat franco-belge en a depuis lors demandé la concession, et l’a enfin obtenue en 1898, après de nombreuses péripéties et une sourde lutte diplomatique entre les représentans à Pékin de la France, de la Belgique et de la Russie d’un côté, et ceux de l’Angleterre de l’autre ; l’emprunt nécessaire à l’exécution de la ligne a été émis en avril 1899 à Paris et à Bruxelles. L’importance de cette voie est très grande, et ses perspectives de trafic brillantes : à l’une de ses extrémités se trouve la capitale ; à l’autre l’immense agglomération urbaine de trois millions d’habitans, suppose-t-on, formée par les trois villes de Hankéou, Wou-tchang et Hanyang au