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du général de Galliffet, nous a conduits, en 1873, à El-Goléa ; puis une inexprimable timidité nous a empêchés d’aller plus loin ; nous ne pouvons considérer, en effet, comme témoignant d’une poussée vers le sud l’établissement des petits forts de Mac-Mahon et Miribel où, inactifs et languissans, nous nous sommes simplement terrés. C’est de nos colonies de la côte occidentale et centrale, le Sénégal et le Congo, plus éloignées du contrôle de la métropole, et où nos soldats, nos explorateurs, se sentaient plus à l’aise et plus libres, que s’est effectuée, avec une héroïque audace et une inattendue persévérance, notre pénétration du continent ; mais combien plus faibles sont ces deux bases de notre action africaine !

Si nous n’avons rien fait du côté du nord, si, manifestement, nous avons, dans cette région, manqué à notre mission, la politique électorale est la cause principale de cette condamnable inertie. Pendant plus d’un quart de siècle, on ne s’est appliqué, en Algérie, qu’à satisfaire les clans politiques qui avaient pris possession du corps électoral ; on ne pensait qu’à leur donner des places, des terres, des subventions pour des buts mesquins, et l’on n’avait aucune vue d’avenir. On a administré et vécu, en Algérie, dans le plus bas prosaïsme ; or la prose, unie et grossière, ne convient pas aux colonies ; il faut à celles-ci un peu d’idéal, un plan d’expansion ; toute la colonisation britannique, dans le passé et dans le présent, sur tous les théâtres, en Asie comme en Afrique, témoigne de cette vérité.

L’inertie de notre politique algérienne a été la principale cause de notre échec de Fachoda ; elle est responsable aussi de l’isolement actuel de nos trois tronçons africains et de la grande faiblesse de deux d’entre eux, le Sénégal-Soudan, le Congo-Oubanghi-Tchad. Comment, en partant de ces deux insuffisantes bases d’action, eussions-nous pu soutenir à des distances énormes la dizaine d’officiers français et la centaine de soldats sénégalais campés sur les bords du Nil ? Comment aurions-nous pu nous maintenir longtemps dans le Bahr-el-Ghazal et comment aussi pourrions-nous rêver, en partant du Sénégal et du Congo, de jamais soumettre et de maintenir en paix le Ouadaï et le Borgou ? Autant vaut renoncer dès maintenant à ces contrées, si nous n’avons d’autre voie d’accès pour nous y conduire, pour y asseoir notre autorité.

Ces réflexions sur notre trop certaine impuissance dans