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ces retards, demandait des explications. Il ne comprenait pas les obstacles imprévus qui s’opposaient tout d’un coup à la réalisation d’une opération dont on lui avait déclaré tout d’abord l’exécution sans difficultés. Mais Lauzun, qui s’était fort avancé pour parvenir à ses fins, commençait à revenir adroitement sur ses dires. Il assurait bien encore qu’il avait mis des agens en campagne et qu’il attendait de bons résultats de leurs démarches. Mais il affirmait aussi qu’on avait tardé trop de temps à le laisser agir, qu’on avait ainsi annihilé en grande partie les moyens d’action qu’il avait eus tout d’abord à sa disposition, que « si la fermentation était encore grande en notre faveur à Mons et à Tournay, la discipline y était sévère et la surveillance très active. » Il se préparait ainsi adroitement une défaite. Il écrivait notamment à Dumouriez que les soldats autrichiens ne dissimulaient point « leur envie de déserter, que le grand nombre surmonterait les obstacles, mais que tous demandaient ce qu’ils deviendraient ensuite et s’il y avait des corps destinés à les recevoir. » Or, les légions, les bataillons, les escadrons dont Biron avait demandé la formation n’étaient point créés : il fallait donc prévoir que les Autrichiens ne viendraient point encore.

Dumouriez entendit-il qu’il avait été joué, tout au moins que Biron avait abusé de sa crédulité, qu’il avait fait briller à ses yeux une apparence décevante ? Il y a lieu de le supposer. Toutefois, avec la décision qui faisait le fonds de son caractère, il comprit que ce n’était point le moment de récriminer, ni de rien modifier. Il fit semblant d’accepter les raisons qu’on lui donnait, ne fit entendre aucune plainte et, sans penser à regretter les erreurs passées, il chercha seulement à pallier leurs conséquences.

A la date à laquelle nous sommes parvenus, c’est-à-dire au 15 avril, le ministre des Affaires étrangères s’occupait avec de Grave de faire rédiger définitivement les instructions nouvelles destinées à l’armée du Nord, instructions tenues rigoureusement secrètes, nous l’avons dit, et qui ne devaient être divulguées qu’au dernier moment.

Or, à la même date, Rochambeau, à la veille de regagner Valenciennes, faisait également rédiger au ministère, — peut-être par les mêmes commis, — le plan arrêté primitivement avec Lafayette, agréé jadis le 22 mars par Dumouriez, par le Conseil du Roi et qu’il s’imaginait être toujours valable.

On se souvient que ce plan du 22 mars n’était pas la conception