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non seulement ne provoquent aucune protestation, mais sont accueillis avec faveur. Cent ans à peine nous séparent de la Révolution française, et c’est seulement de nos jours qu’on a vu débrouiller le chaos de cette période sans doute fort obscure. En ce qui nous concerne, nous avons essayé de collaborer à cette œuvre de vérité, et nous nous sommes efforcé d’élucider quelques points des premières guerres de la période révolutionnaire. Aujourd’hui, remontant tout à fait au début de 1792, nous voudrions faire voir la façon dont fut conçu le premier plan de campagne de cette lutte de vingt années qui devait aboutir à Waterloo.

Ce plan, — attribué à Dumouriez, désigné sous le nom de « plan de Dumouriez, » plan dont bien des gens ont parlé et qu’en réalité peu de gens connaissent puisque nous le publions ici pour la première fois, — ce plan, nous voudrions rechercher son origine, établir sa genèse, fixer les phases de son éclosion, démontrer que son véritable auteur fut, non pas Dumouriez, mais Lauzun, Lauzun devenu depuis 1788 le duc de Biron, et depuis 1790 le général Biron « tout court. »

Lauzun écrivait avec une extrême facilité. Il aimait à dire ce qu’il avait fait, ce qu’il songeait à faire, ce qu’il eût désiré voir les autres exécuter, car ce roué était un grand donneur de conseils et un inspirateur inépuisable de soi-disant bonnes idées. On put regretter, il y a trois quarts de siècle, cette manie de Lauzun de laisser trace écrite des moindres événemens de sa vie, quand on vit, en 1822, paraître ses mémoires. Heureusement, en dehors de ce récit prémédité de ses bonnes fortunes, récit plus fastidieux encore que scandaleux, — et certes ce n’est pas peu dire, — il nous a laissé quelques lettres non destinées à la postérité, par là même sincères, en partie sincères tout au moins, et dont certaines éclairent d’un jour très net la période troublée pendant laquelle il les rédigea. Lauzun, pendant les huit mois qu’il passa à l’armée du Nord en 1792, s’était fait une règle de transcrire sur un carnet les principales lettres écrites par lui, les réponses les plus saillantes de ses correspondans habituels : Talleyrand, Narbonne, Dumouriez et quelques autres. Ce carnet, qui a été conservé, est un cahier de deux cent cinquante feuillets mesurant dix-neuf centimètres sur vingt-six, recouvert en parchemin ; il est tracé à peu près en entier de la main de Lauzun et contient une centaine de lettres, la plupart d’un intérêt, d’une valeur historique très appréciables. Elles nous donnent la clé de différens événemens jusqu’ici