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LE DUC DE LAUZUN
ET
LA PREMIÈRE CAMPAGNE DE LA RÉVOLUTION

Le duc de Lauzun — non pas celui de Louis XIV et de la Grande Mademoiselle, mais celui de Louis XVI et de Marie-Antoinette, le Lauzun qui remplit de ses aventures galantes toute la fin du XVIIIe siècle, — est un héros bien oublié. Et oublié, avec raison, sans doute, car jusqu’à présent, le peu que l’histoire a retenu du personnage est certes loin d’en faire un exemple à suivre, un modèle à imiter. Telle est, du moins, notre façon de l’apprécier ; et nous aurions été fort éloignés d’aller soulever la pierre de son tombeau, si, cherchant récemment à mettre en lumière un point encore obscur des débuts de la Révolution, nous ne nous étions aperçus que, dans le litige soumis à nos investigations, Lauzun apparaissait non seulement comme acteur intéressé, mais comme principal témoin.

On émet une vérité banale en affirmant que notre histoire nationale n’est encore en bien des points qu’un tissu de légendes. Assurément, à une époque où l’accès des dépôts d’archives demeurait interdit, il était malaisé de contrôler les faits par les documens, de les raconter d’après d’autres sources que la tradition orale ou écrite. Mais cette situation défectueuse aurait dû cesser le jour où il fut loisible d’écrire l’histoire en s’appuyant sur des documens authentiques. Il n’en a rien été. Même des événemens presque contemporains sont encore rapportés aujourd’hui avec une étrange fantaisie, sans la moindre critique, et ces récits,