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de phosphates, de nous procurer, il y a quelques années, une aubaine du même genre. Bien superficiel et singulièrement ignorant des facteurs économiques modernes serait celui qui, parce qu’une contrée se prête mal à la culture, déclarerait que l’homme n’en pourra jamais rien tirer.

Que nous ayons dans notre domaine africain une très grande quantité de « terres légères, » suivant le mot que lord Salisbury prononçait à la Chambre des pairs pour s’excuser d’avoir signé la convention de 1890, cela est incontestable. Mais il en est ainsi de tous les grands empires continentaux. La Sibérie, que nous sachions, ou la Transcaspie, ou le Canada, ou même l’Afrique du Sud, pour ne pas parler de l’Australie, renferment une énorme proportion de terres peu propres à la culture ; il n’est pas jusqu’aux États-Unis qui ne soient dans ce cas. Notre lot africain, pour n’être pas tout entier de choix, n’a donc rien de tout à fait exceptionnel à ce point de vue. Les parties manifestement bonnes y tiennent assez de place pour qu’on se doive accommoder de celles qu’on serait tenté, peut-être sans assez de connaissance de cause, de déclarer irrémédiablement mauvaises.

Cet empire de la France, dans le nord, dans le centre et dans l’ouest de l’Afrique, a été le produit beaucoup plus de circonstances contingentes que d’un dessein prémédité. Un coup d’éventail donné par un souverain barbare à notre représentant et le besoin de rendre de l’éclat à une monarchie défaillante nous ont amenés à Alger ; quelques pillages de la part de tribus montagnardes et une dispute pour un chemin de fer de banlieue nous ont introduits à Tunis ; nos petits et séculaires comptoirs côtiers de l’Afrique occidentale ont dit à un officier du génie entreprenant, Faidherbe, et à toute l’école qu’il a formée à sa suite, de devenir la tête de ligne d’une prodigieuse pénétration à l’intérieur, sans que le gouvernement de la métropole en fût quasi avisé, parfois même malgré ses désirs, et quelquefois en dépit de ses instructions formelles ; plus au sud, l’ardeur d’un officier de marine, né étranger, le lieutenant de vaisseau de Brazza, explorateur excellent et humain, nous fit cadeau un beau matin d’une vaste partie du Congo. Bref, c’est pour ainsi dire, à toute une légion de cadets de Gascogne, agissant sans ordres, cherchant à se surpasser les uns les autres dans une sorte de prodigieux jeu de sport patriotique et de prouesses d’exploration, que nous sommes redevables de la possession de ces immensités. Jamais l’ambition d’un