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à une compagnie d’assurances, qui calcule et compense tous les risques, auxquels elle ajoute un « chargement. » Certains industriels n’y mettent pas tant de malice ; ils ont trouvé la « Méthode sûre pour gagner constamment, » en spéculant sur la crédulité du public, auquel ils vendent, par correspondance, des pronostics, des « tuyaux » tarifés. Leurs annonces sont sources de bons revenus pour les feuilles dont elles garnissent la quatrième page, malgré les prohibitions légales.

Mais la justice se déclare impuissante jusqu’ici à poursuivre ces journaux, qui ne sont, dit-elle, que les « complices des complices » du vol. Quant aux auteurs principaux, qui donnent toujours leur adresse à Londres, si les détectives anglais se présentent au domicile indiqué, ils n’y trouvent rien autre chose qu’une boîte à lettres et un groom chargé de l’ouvrir.

Cette masse avide et paresseuse, qui laisse rogner ses petits écus par des prometteurs de billets de banque, contribue à la prospérité des courses, mais elle en est aussi la plaie. Si seulement tous ces gens jouaient pour le plaisir ! Connaissant que l’argent en soi n’a pas de valeur, qu’il n’est bon qu’à procurer des jouissances, et que, pour eux, la jouissance la plus parfaite réside dans la poursuite du gain plus que dans sa réalisation, ils se convaincraient par là que l’issue de la partie n’importe guère, et que la vraie volupté c’est de la jouer. Mais non ; ce sont des âmes basses, point philosophiques et attachées à la monnaie. Or le parieur ignorant, — c’est la majorité, — est la terreur des vrais hommes de sport. Le propriétaire dont le cheval, grand favori, est atteint quelques jours avant la course d’une boiterie passagère, se trouve dans cette situation bizarre d’être soupçonné d’indélicatesse, soit qu’il fasse connaître l’accident, soit qu’il le cache.

En Angleterre, le jockey qui se sert de la cravache sans nécessité risque de perdre sa place ; l’arrivée, de l’autre côté du détroit, diffère complètement de ce qu’elle est chez nous. Ceux qui n’ont pas de chances s’arrêtent ou ne continuent que pour la forme. Ils savent que la course est profitable aux chevaux à la condition de n’être pas malmenés, « étripés, » par leurs cavaliers. Dans le cas contraire, ces animaux en arrivent à redouter l’épreuve publique, ils se dégoûtent et courent mal. L’impressionnabilité de quelques-uns est si excessive, sur ce chapitre, que le sifflement seul de la cravache, quand ils l’entendent à côté d’eux, suffit à les paralyser ; ce dont profite au reste le voisin, quand il connaît