Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/849

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV

Le Pari mutuel, au contraire, a vu chaque année ses chiffres grossir : à l’origine (1887) le total était, à Longchamp, de 10 millions de francs ; en 1888 il fut de 20 millions, de 39 millions en 1892, de 58 millions l’année dernière. Dans la seule journée du Grand Prix il se fit 4 159 000 francs de paris. A Auteuil et dans les suburbains, les chiffres sont à peu près semblables ; ce qui donne, avec la Société du demi-sang et les courses de province, environ 200 millions de paris en 1898. L’année en cours s’annonce très supérieure ; on l’estime à 260 millions, d’après les rendemens déjà connus.

Détail à signaler : la répartition des paris, suivant les diverses enceintes, a singulièrement varié depuis douze ans. En 1887, sur 100 francs de paris, il s’en faisait pour 60 francs au pesage, 10 francs au pavillon et pour 30 francs seulement à la pelouse ; en 1898, le pavillon est resté au même taux : 12 pour 100, mais le pesage n’atteint plus que 35 pour 100, tandis que la pelouse monte à 53 pour 100. L’usage du pari s’est donc surtout développé dans les couches inférieures de la population. En effet, 2 360 000 francs — chiffre d’une journée de courses prise au hasard, cette année, — étaient représentés par 186 000 tickets à 5 francs et 33 000 à 10 francs, soit 1 260 000 francs. Plus de moitié de l’ensemble sortait des petites et moyennes bourses.

Comme le prélèvement réglementaire est de 7 pour 100, les 200 millions engagés par les parieurs leur ont coûté 14 millions. Le chiffre, à première vue, n’est pas excessif ; la maison de jeu de Monaco, qui distribuait cette année 16 millions et demi de dividende à ses actionnaires, réalise, sur ses cartes et ses roulettes, un bénéfice brut supérieur à 25 millions, et le baccarat rapporte, à l’ensemble des « cercles » parisiens, un boni de près de 2 millions de francs. Mais il s’agit ici d’argent extrait de poches, ou peu nombreuses, ou cosmopolites, toutes suffisamment garnies.

La « mutualité » de notre pari sportif n’est pas tout à fait dans ce cas, et le total des sommes engagées est beaucoup plus élevé en réalité qu’en apparence, à cause des agences clandestines dont je parlerai tout à l’heure. Si l’homme qui parie régulièrement 100 francs, sur chacune des six courses du programme d’une