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droit au Saltavit et placuit de l’enfant Septentrio ; ils n’ont pas paru sur le théâtre.

Après la guerre de 1870, ce coin exquis du Bois de Boulogne que l’on nommait la « mare d’Auteuil, » lieu de rêverie tranquille et de rendez-vous discrets, se trouvait irrémédiablement dévasté. Les arbres avaient été coupés pendant le siège de Paris. Une vingtaine de sportsmen émérites obtinrent de la Ville la concession de cet emplacement, pour la Société des steeple-chases qu’ils venaient de réorganiser. L’attrait du site, beaucoup plus accessible aux Parisiens que celui de Vincennes, où s’étaient données, sous l’Empire, les courses d’obstacles ; les dépenses considérables faites par les promoteurs de cette entreprise, tant pour la préparation des gazons, recouverts de terreau acheté aux maraîchers de la banlieue, que pour l’édification des tribunes, mieux conçues et disposées que nulle part ailleurs, contribuèrent au succès. Ajoutons que ce genre de sport offre à la masse un côté « spectacle, » plus séduisant que celui des épreuves en plat, bien que celles-ci soient beaucoup plus utiles et sérieuses. Une société qui exploitait simultanément les réunions de Maisons-Laffitte et de Saint-Ouen, l’une d’obstacles, l’autre de courses plates, devait faire vivre la seconde avec les bénéfices de la première, parce que les steeples attirent toujours plus de monde. Le comité d’Auteuil, qui dispose chaque année d’une recette sensiblement égale à celle de Longchamp, ne pourrait méconnaître le caractère, accessoire, au point de vue hippique, de l’institution qu’il régit. Aussi a-t-il associé les éleveurs, par les primes importantes qu’il leur réserve, aux triomphes des chevaux grandis dans leurs paddoks.

Il distribue en outre une large manne d’allocations aux sociétés de province, dont le programme, ainsi corsé, fournit un débouché utile aux chevaux médiocres de la capitale, et une fête appréciée des chefs-lieux d’arrondissement pour le mouvement d’affaires qu’elle détermine. Par ces largesses, qui augmenteront sans doute avec le rendement du Pari mutuel, la banquette irlandaise sert la cause de la décentralisation. Elle subventionne encore, de façon indirecte, la production du cheval de sang, en contribuant à la hausse des prix de vente : des animaux, incapables de gagner en plat, qui ne trouvaient preneurs qu’à 3 000 ou 4 000 francs, sont maintenant payés 20 000 ou 30 000 par des écuries de steeple, depuis que celles-ci ont l’espérance de leur faire obtenir des prix importans.