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résultat identique en entretenant des chasses précieuses, où les perdreaux volent jusqu’à fin novembre.

Et cela est très bon ; puisque, sans ces tirés, les gens modestes, en ce temps d’agriculture intensive, ne mangeraient plus de gibier, et, sans ces députés opulens, le capital ne serait peut-être plus représenté au Corps législatif. Ainsi, comme il était du meilleur ton pour les seigneurs et les financiers de pensionner jadis des artistes et des poètes, voire des « gens de lettres domestiques, » qui rédigeaient leurs billets « dans les desseins de galanterie qu’ils pouvaient avoir, » ou leur suggéraient « le jugement à faire des ouvrages du moment, » de même aujourd’hui, pour des personnes riches, est-ce une occasion honorable de publicité, de relations et d’importance que de posséder, sur le turf, des « favoris » exaltant leurs couleurs. Et cela encore est très bon : puisque les littérateurs, devenus fiers, se soucieraient peu d’envoyer chaque soir « quérir leur chandelle » à l’hôtel de leur protecteur, ainsi que plus d’un faisait bonnement, il y a deux cents ans ; puisque les écrivains, auxquels le public donne de quoi vivre, ne sont plus dans le cas d’être subventionnés par des particuliers, tandis que les pur-sang en ont besoin, il est très heureux, pour l’amélioration de la race chevaline, que l’industrie des courses soit une mode élégante, puisqu’elle n’est pas encore une affaire lucrative.

Grâce à cette heureuse circonstance, les bénéfices réalisés dans des industries prospères, dans celles du sucre ou du chocolat, du fer ou de la parfumerie, des eaux-de-vie ou du Champagne, l’argent gagné dans des magasins de nouveautés ou de grandes banques, même dans des banques de Trente-et-Quarante, vient, par les mains des fils ou des gendres de ceux qui l’ont originairement amassé, en aide à une branche agricole, très nécessaire à la nation.

C’est dire que la liste des possesseurs d’écuries est fertile en contrastes : les Français y dominent ; mais il s’y trouve des Belges, des Grecs, des Russes, des Américains ; de très vieux noms et des noms tout battant neuf ; des gens de qualité et de charmantes jeunes filles, appartenant à la catégorie de celles que le moyen âge appelait des « femmes amoureuses » et le XVIIe siècle des « mignonnes. » C’est dire aussi que les détenteurs de chevaux de courses ne sont pas tous également connaisseurs. Il en est de même à l’étranger : en Angleterre, un fabricant de meubles renommé.