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par de pareils moyens, et il y avait à Londres de l’hésitation et de la mauvaise humeur. M. Krüger a eu alors la très grande sagesse de modifier cette forme dans ce qu’elle pouvait avoir de désagréable, tout en maintenant au fond les propositions arrêtées dans la seconde conférence de Blœmfontein. Se rappelant qu’à la première, sir Alfred Milner avait demandé que le chiffre de cinq ans de résidence entraînât de piano la franchise électorale, il a proposé celui de sept ans pour tout le monde, naturalisé ou non. En même temps il a élevé, dans une proportion que nous ne connaissons pas encore très bien, le nombre de sièges accordés aux représentans parlementaires de la région minière : M. Chamberlain a parlé de sept sièges, mais sans rien affirmer. Ce serait beaucoup, car chacune des deux Chambres du Volksraad se compose seulement d’une trentaine de membres. Quoi qu’il en soit, lorsque ces nouvelles sont arrivées à Londres, les armes sont tombées de toutes les mains ; du matin au soir le ton de la presse a changé ; on a du avouer qu’il y avait là matière à une transaction raisonnable.

Sans doute rien n’est terminé ; il y a encore un très grand nombre de points de détail à régler et l’esprit de parti cherchera à prendre sur eux sa revanche ; mais il n’y a plus de prétexte plausible de guerre, et c’est un fait capital. Seuls les uitlanders du Rand, ou du moins ceux d’entre eux qui font du bruit pour tous les autres, persistent à se montrer mécontens, et réclament les cinq ans demandés par sir Alfred Milner. Ils ont fait leur Évangile du Livre bleu si imprudemment publié par M. Chamberlain ; mais on les laisse crier, et ce n’est pas pour deux ans de plus ou de moins que l’Angleterre voudra faire une guerre qui pèserait à sa conscience. S’il y a là une petite déception, elle sera effacée dans deux ans d’ici, et la paix vaut bien qu’on lui fasse ce sacrifice. En somme, dans quelques années, à peu près tous les uitlanders seront électeurs, et il est difficile de croire que la situation intérieure du Transvaal restera alors ce qu’elle est aujourd’hui. Il faudra bien compter avec eux dans le Volksraad, et il y aurait de la part des Boers une souveraine imprudence à abuser, pour s’en dispenser, de la majorité qui leur est laissée. Ils ont fait fausse route dans la manière dont ils ont défendu jusqu’à ce jour leurs intérêts aux dépens de ceux des uitlanders : la crise qui en est résultée doit leur servir de leçon. Personne n’en est sorti complètement victorieux. M. Cecil Rhodes, qui vient de rentrer au Cap en triomphateur romain, et qui a fait de nouveaux discours pour annoncer l’unité prochaine de tout le monde sudafricain, voit son rêve s’éloigner, sinon se dissiper. M. Chamberlain n’a pas la guerre qu’il désirait ; l’adversaire qu’il avait traqué lui a échappé