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Sir Alfred Milner a été récemment appelé à Londres. Il a pris les instructions de son chef, et, aussitôt de retour au Cap, il lui a écrit une dépêche d’un style particulièrement soigné en vue d’une publication ultérieure, qui n’était autre chose qu’une dénonciation du gouvernement transvaalien. Ce que disait sir Alfred dans cette dépêche, on peut le deviner d’après ce que nous avons dit nous-même des griefs des uitlanders contre le gouvernement de Pretoria. Tous ces griefs étaient énumérés avec force, et, comme on peut le croire, plutôt exagérés qu’affaiblis. En même temps une grande agitation était provoquée dans le Rand, et on y faisait circuler une pétition, qui se couvrait de signatures. En quelques jours, elle en réunissait plus de 20 000, ce qu’on a fait valoir comme un chiffre considérable, et ce qui nous paraît plutôt un chiffre modeste si l’on songe que les uitlanders sont au nombre de 200 000 au Transvaal et qu’on en compte environ 50 000 à Johannesburg seulement. Au surplus, cela importait peu, et la pétition n’était qu’un incident de la campagne entreprise. Quant au caractère même de celle-ci et aux intentions de ceux qui l’avaient entamée, M. Krüger ne s’y est pas mépris. Tout de suite il a compris le danger et il a parlé, un peu trop tard par malheur, de faire des réformes. Mais il les a d’abord présentées en termes très vagues, et, à Londres, M. Chamberlain a déclaré sur le ton le plus malveillant qu’elles n’étaient ni sérieuses, ni sincères. Elles peuvent se diviser en deux catégories : les unes étaient de l’ordre administratif et se rattachaient soit à des monopoles à supprimer, celui de la dynamite par exemple, soit à une réforme de la législation des transports, de la législation douanière, de la législation crimiuelle et correctionnelle, de la législation sur la presse et le droit de réunion, etc., etc. ; les autres étaient de l’ordre purement politique. Ces dernières se sont bientôt résumées à une seule, à savoir les conditions dans lesquelles la franchise électorale serait accordée aux uitlanders. Les uitlanders n’auraient sans doute pas songé à réclamer des droits politiques au Transvaal si leurs intérêts matériels y avaient été suffisamment ménagés ; mais, comme ils ne l’étaient pas, bien au contraire ! ils n’ont pas tardé, avec cette habitude des Anglo-Saxons de placer la sauvegarde des droits individuels dans les droits politiques, à réclamer ces derniers. Puisqu’ils payaient la plus grande partie des impôts, il leur paraissait juste d’être appelés à les discuter, à les voter et à en surveiller l’emploi. Ils demandaient, en conséquence, à être représentés au Volksraad dans une proportion supérieure, et à ne pas être traités comme des hôtes de passage dans un pays où ils étaient en majorité, dont ils faisaient la richesse, enfin,