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cautions et de la modération qui peuvent en annihiler les inconvéniens. En résumé, les boissons dont on n’abuse pas peuvent être hygiéniques.

III

Une question qui a beaucoup préoccupé les médecins est de savoir si la malfaisance des eaux-de-vie (lorsqu’on en use en trop grande abondance ou en trop forte concentration) était due à l’alcool même ou aux impuretés qui l’accompagnent.

L’opinion s’était établie qu’il fallait incriminer les seules impuretés, et prononcer un non-lieu, quant à l’alcool vinique exempt de souillure. On sait qu’il se forme pendant la fermentation des jus sucrés du raisin ou de la pomme, outre l’alcool ordinaire ou éthylique, de l’aldéhyde, des acides de la série grasse, des huiles, des éthers variés et odorans. Ces produits passent à la distillation et aromatisent diversement l’alcool. Ils constituent des bouquets agréables si la fermentation du raisin s’est faite purement.

Les fermentations impures donnent, au contraire, des produits accessoires plus ou moins repoussans. Il en est de même lorsque l’on brûle dans les alambics des vins plus ou moins altérés et malades. La même chose se produit, et à un degré plus marqué avec les cidres ; elle atteint son plus haut point avec les jus sucrés de la betterave, de la pomme de terre et des grains. Ces eaux-de-vie sont souillées par un certain nombre de substances, par des alcools différens de l’alcool vinique, alcools méthylique, amylique, par des acides volatils, à odeur plus ou moins désagréable ou infecte. L’industrie les rectifie dans des appareils spéciaux d’un maniement délicat. Une distillation fractionnée permet d’en retirer l’alcool pur (alcool de cœur) débarrassé des produits plus volatils (alcools de tête) et moins volatils (alcools de queue) qui le souillaient.

D’autre part, on a recueilli isolément ces substances diverses, alcools, aldéhydes, furfurol, essences. On a constaté que chacune d’elles était plus toxique que l’alcool ordinaire. Elles provoquent des accidens, des désordres nerveux, des crises épileptiformes, à des doses où l’alcool vinique n’entraînerait aucun trouble. En d’autres termes, ces impuretés, ces substances accessoires sont, à poids égal, plus dangereuses que l’alcool lui-même. MM. Joffroy