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bêtes communes, comme on porte à l’office la desserte de la table des maîtres.

Chantilly est, depuis l’origine, le centre de l’entraînement : une population de plusieurs milliers de personnes n’y vit que pour et par les courses ; 1 600 chevaux, presque tous destinés « au plat » — les chevaux d’obstacles sont groupés à Maisons-Laffitte au nombre d’environ 700, — y étaient domiciliés, ce printemps, chez 51 entraîneurs et payaient l’abonnement exigé pour être admis à galoper, soit dans les allées du bois que l’Institut loue à la Société d’encouragement, soit sur le gazon des Aigles, où la piste droite de 1 100 mètres, l’une des plus belles du monde, est coupée, roulée, entretenue comme un lawn-tennis, où les mottes de terre, soulevées par le passage de cette cavalerie unique, sont remises en place chaque jour.

La première promenade commence à 4 heures du matin durant les chaleurs ; il faut terminer la seconde avant que le soleil n’ait éveillé les mouches, qui agaceraient le cheval. En longues files arrivent au pas des escouades d’animaux, portant des noms, les uns déjà illustres, les autres inconnus encore, mais qui seront clamés l’an prochain avec enthousiasme, ou murmurés à l’oreille par un donneur de « tuyaux, » ou discutés avec angoisse autour de 10 000 foyers de parieurs, lesquels briseront une fois de plus, à leur sujet, le pot au lait de Perrette. Ici, en négligé du matin, dans l’air vif et parfumé de la forêt, montures et cavaliers paraissent tout à fait étrangers à ces préoccupations. Ces derniers — les « lads» — sont pour la plupart de jeunes enfans, recrutés en Angleterre par la voie des annonces ; cédés par leur famille à l’entraîneur pour une durée de cinq ans. Nourris et logés, ils gagnent 20 francs par mois la première année et ne servent pas à grand’chose ; la seconde, ils commencent à galoper ; leur ambition est de devenir jockeys. S’ils y arrivent, au bout de trois ans, ils rapportent largement aux patrons, à qui ils doivent verser, jusqu’à la fin des cinq années, la moitié de leurs honoraires.

L’entraîneur reçoit d’autre part, de la main du propriétaire, 10 pour 100 sur le montant des prix remportés par les chevaux qu’il prépare. C’est le plus clair de ses profits. Il gagne peu de chose sur les 7 à 8 francs qui lui sont payés, par tête et par jour, pour l’entretien de ses pensionnaires appartenant à divers maîtres. Les grandes écuries — une trentaine de chevaux au moins -— ont chacune leur entraîneur particulier, gentleman aisé, parfois