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est de 730 millions pour les quatre premiers mois de l’année : sauf en 1898, un pareil excédent n’avait pas été obtenu depuis vingt ans : treize fois au cours de ces 21 années, les importations avaient au contraire été supérieures aux exportations. Pour les onze premiers mois de l’année fiscale 1898-99 (1er juillet au 30 mai), l’excédent en faveur de l’Amérique est de 2 milliards et demi de francs. En 1898, pour la première fois, les exportations d’objets fabriqués ont dépassé les importations de même nature. Les Américains attribuent ce phénomène aux efforts que leurs industriels ont dû faire, au cours d’une longue période de dépression, pour abaisser leurs prix de revient. D’après le rapport de M. James M. Swank, fait au nom de l’association du fer et de l’acier, l’Amérique, qui, en 1898, a produit 12 millions de tonnes de fonte, est outillée pour produire un tiers en plus. Jamais pareil chiffre n’avait été atteint : en 1894, il dépassait à peine 6 millions. Un autre fait saillant est la réduction du stock invendu, qui, de 875 000 tonnes au 31 décembre 1897, était descendu à 415 000 tonnes le 31 décembre 1898. Si énorme qu’ait été la production, la consommation l’a dépassée. Les importations étrangères ont presque disparu et l’exportation américaine s’est élevée à 900 000 tonnes, dont une grande partie sous forme d’objets fabriqués, machines, etc., d’une valeur bien supérieure à celle du métal brut dont elles se composaient. Cette énorme consommation n’est pas due aux constructions de chemins de fer, qui n’ont porté que sur 4 900 kilomètres environ, alors que dans la seule année 1887 elles s’élevaient à 21 000. D’autre part, les prix n’ont pas monté tout d’abord, puisque la tonne de rails d’acier, prise aux usines de Pensylvanie, qui valait 156 francs en 1891, n’en coûtait que 92 l’année dernière. Ce n’est qu’en 1899 que les prix ont bondi.

La puissance économique de ce pays, dont les observateurs attentifs avaient depuis longtemps prédit le prodigieux essor, s’affirme aujourd’hui d’une façon éclatante : il y a vingt ans, la métallurgie américaine n’exportait rien, et les États-Unis importaient sept fois plus de fer et d’acier que l’Angleterre : c’est maintenant celle-ci qui en importe deux fois plus qu’eux. L’Amérique se suffit à peu près à elle-même et exporte en outre un million de tonnes par an. C’est Pittsburg et le lac Supérieur qui dictent leurs conditions à Glasgow. Récemment, les fabricans anglais ayant voulu élever à 113 francs la tonne le prix des rails d’acier, les Américains leur enlevèrent 300 000 tonnes de commandes.