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si cette exégèse fort autorisée de la loi des garanties est invoquée, tôt ou tard, par le Vatican, contre l’esprit même de cette loi. La conclusion de l’article était que le Pape n’est point un souverain, qu’il n’est point une personne juridique de droit international : en un mot, depuis la loi des garanties, sa situation était trop amoindrie pour qu’il eût le droit d’être représenté à La Haye. La circulaire du 18 octobre 1870, signée du nom respecté de M. Visconti-Venosta, recevait ainsi un démenti ; et le Vatican continuait d’observer, avec un intérêt croissant et une réserve impeccable.

On faisait remarquer, dans d’autres organes, que lors même que la loi des garanties, commentée d’une certaine façon, impliquerait la souveraineté du Saint-Siège, le Saint-Siège ne pouvait se prévaloir d’une telle souveraineté, tant qu’il ne reconnaîtrait pas la loi même des garanties. Que le Pape fît d’abord adhésion au Quirinal : on lui permettrait peut-être, ensuite, le voyage de La Haye. Il pourrait jouer au souverain s’il consentait tout d’abord à se comporter en sujet. A la faveur de ce raisonnement, ce n’était plus par la grâce de Dieu, mais par la grâce de Montecitorio, que le Pape demeurait ou redevenait souverain. Et la loi des garanties, ainsi interprétée, courait un autre péril : promulguée jadis en faveur de l’indépendance du Pape, elle semblait ratifier ou supposer sa dépendance. Il était temps de se taire sur cette loi. Dans la vieille monarchie française, plusieurs siècles avaient passé, avant que le cardinal de Retz ne constatât qu’il est prudent de tenir dans l’obscurité les lois fondamentales du royaume ; dans la jeune monarchie italienne, on faisait la même expérience, à bref délai, pour la loi, fondamentale d’après le Conseil d’Etat, dite des garanties pontificales.

Les journaux du Vatican ne se mêlaient point volontiers à ces polémiques : hostiles à la loi même, peu leur importait comment elle était expliquée ; et tout au plus concluaient-ils. à vue d’œil, qu’elle manquait évidemment de clarté. Ils n’admettaient point que la souveraineté du Pape fût une question de jurisprudence, et se refusaient à introduire, dans un tel débat, les arguties de la chicane. La Consulta, somme toute, — et c’est ce qu’ils se bornaient à constater, — prétendait apprécier, en arbitre suprême, le degré de courtoisie et d’égards que les divers États du monde chrétien avaient le droit de témoigner au Pape ; et, si le Pape voulait que les permissions de la Consulta fussent généreuses,