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et pour qu’en même temps on donnât ordre au représentant de l’Italie de ne tolérer, de la part du prélat, aucune indiscrétion périlleuse : la Tribuna semblait défiante à l’égard de l’aréopage pacificateur où ces deux personnages se rencontreraient ; elle préférait que l’Italie n’affrontât point, sous les regards du monde, un duel diplomatique, et que le gouvernement du Roi triomphât sans péril, par l’exclusion préalable du Pape. M. le comte Mouravieff, pourtant, avait eu soin de déclarer dans la circulaire du 30 décembre : « Il est bien entendu que toutes les questions concernant les rapports politiques des États et l’ordre de choses établi par les traités, comme en général toutes les questions qui ne rentreront pas directement dans le programme adopté par les cabinets, devront être absolument exclues des délibérations de la conférence. » Mais si délicate est la question romaine, et l’Italie est, à cet endroit, si difficile à rassurer, que ces affirmations préalables du comte Mouravieff paraissaient insuffisantes : il était vraiment plus prudent que le Pape fût absent de la conférence.

Ce n’est point seulement de l’âpreté de ces inquiétudes que la diplomatie européenne demeura frappée ; ce fut aussi, et surtout, de l’impétueuse précipitation avec laquelle elles s’exprimèrent. « Nous pouvons affirmer de la façon la plus nette et sans craindre d’être démentis, écrivait à la date du 3 février l’Osservatore romano, que la diplomatie pontificale n’a pas fait un seul pas, qu’elle n’a point exprimé le plus lointain désir, qu’elle n’a tenté aucune démarche, directe ou indirecte, pour entrer à la conférence de la Paix. » L’article de l’Osservatore était évidemment inspiré par le Vatican. Et le cabinet de Saint-Pétersbourg, en effet, constatait une singulière différence d’attitude entre les deux pouvoirs installés à Rome : l’un d’eux, celui qui avait été l’objet d’un privilège de la part du gouvernement russe, s’abstenait de toute importune sollicitation ; l’autre, au contraire, qui avait été traité par la chancellerie russe à l’égal de tous les autres États, n’attendait même pas que son voisin eût demandé d’entrer, pour supplier que ce voisin fût laissé dehors. Et pendant de longues semaines un monologue bizarre se prolongea. « Faites sortir le Vatican, » disait une voix tantôt impérieuse et tantôt éplorée, celle de la presse italienne. Mais le Vatican, se retranchant dans une fière réserve, ne répliqua pas une seule fois : « Faites-moi entrer. »

Le Vatican laissait faire l’Italie. Voilà plus d’un quart de siècle que M. Visconti-Venosta, ministre de Victor-Emmanuel,