Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/599

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à leur tour sous la plume cardinalice : le secrétaire d’Etat déclarait qu’au nom de cet accord entre les deux pouvoirs le Saint-Siège était « disposé à seconder, avec tout son zèle et toute sa sympathie, la difficile entreprise de Sa Majesté le Tsar. »

« Sacerdoce et Empire, » ces virtualités altières, à peine réalisées par l’histoire d’antan, vivent toujours, d’une vie indestructible, dans les cerveaux qu’a façonnés la théologie scolastique : cette théologie, sous ses apparences rigides, enseigne à voir grand ; elle est une étrange émancipatrice de l’imagination. Et le mysticisme slave, de son côté, — chez certains de ses représentans, tout au moins, — est à la fois assez conservateur et assez révolutionnaire pour envisager avec une curiosité complaisante la conception d’un monde dont le Pape et le Tsar guideraient les destinées : relisez plutôt, pour vous en convaincre, la Russie et r Église universelle, de Wladimir Solovieff. Il serait intéressant de faire commenter la note du cardinal Rampolla par des exégètes de Saint-Pétersbourg... Peut-être perdraient-ils pied.

Mais le cardinal secrétaire d’Etat se hâtait d’arriver ensuite aux remarques pratiques de l’homme politique : il augurait que peut-être « des obstacles multiples » entraveraient « la généreuse pensée du Tsar, » et d’avance il se consolait en songeant que, quoi qu’il advînt, on devait toujours regarder comme un « grand bienfait » et comme « le germe d’un meilleur avenir » ce fait qu’ « une voix aussi puissante, intervenant au milieu du bruit des armes, avait fait entendre au monde, courbé sous la prépondérance de la force matérielle, les noms sacro-saints d’équité et de droit. » Et le cardinal Rampolla concluait : « Ignorant quelles seront les lignes du programme que Sa Majesté l’Empereur entend proposer à la conférence, et quel est le moyen concret par lequel le Saint-Siège devrait, suivant les désirs du Tsar, concourir à cette œuvre. — coopération qu’il est prêt à accorder largement, — le Saint-Père, pour l’instant, se borne à donner, en principe, sa pleine adhésion. Confiant dans la droiture et dans la magnanimité des sentimens de Sa Majesté, il sait que, quelles que doivent être les solutions, la justice et le droit, qui ont à notre époque subi tant de blessures, resteront entièrement sauvegardés et intacts. »

Telle était, en substance, la note du Vatican. Le Saint-Siège y parlait le langage d’une autorité religieuse et morale : il se tenait dans la sphère des grandes idées, de ces principes souverains que les individus et même les peuples n’osent jamais contester