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NOS PEINTRES DU SIÈCLE

DEUXIEME PARTIE[1]


IV

Les artistes se désintéressent volontiers de la spéculation de la science, de l’intrigue politique et de la philosophie abstraite. La plupart n’argumentent guère. Ils voient, ils éprouvent, ils créent. Cependant, il est nécessaire qu’une émotion ait le temps de germer : ce n’est pas immédiatement que les semailles lèvent ; encore faut-il ne pas bouleverser le champ, et c’est pourquoi nous avons vu les artistes de la Révolution, faute de recul et de repos, impuissans à traduire directement les tragédies de cette époque héroïque et sanglante.

Cependant, comme les grandes secousses des âmes ne sont jamais stériles, nous avons vu celles-ci se transmettre et se perpétuer, produire leurs effets naturels, et l’art se transformer et s’inspirer, d’abord, de la gloire militaire dont les épopées lointaines permettaient aux artistes plus de recueillement que l’agitation des rues. Nous avons vu ensuite les hommes, rassasiés et lassés de tant de bruit, d’orgueil et de gloire, ressentir le besoin d’affections tranquilles, humbles et profondes et nous avons assisté, sous la Restauration, à l’éclosion d’un art nouveau remontant aux sources éternelles par l’amour de la Nature.

Toutefois les germes d’égalité semés par la Révolution n’étaient

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.