retentir autour de son nom. Les Espagnols ne louent pas médiocrement ; leur admiration va loin, comme leur haine, et ne ménage guère les hyperboles. On immolait à cette réputation naissante les renommées les mieux établies. On affirmait que « Galiano pouvait bien être par excellence l’orateur littéraire, Olòzaga l’orateur politique, Lopez le tribun, Donoso Cortès le penseur ; mais que Castelar était tout cela ! » Et un journal conservateur, La España, déclarait que « cet adolescent de vingt-deux ans l’emportait sur tous les anciens orateurs de l’Espagne. » Pour nous, qui feuilletons ces pages jaunies, étrangers, à des querelles aussi oubliées que ceux-là mêmes qui s’y passionnèrent, nous y voyons surtout une improvisation d’écolier, intéressante comme sont les débuts de ce qui est devenu grand dans la suite, mais creuse, déclamatoire, toute pleine des illusions qui sont le charme et le péril de l’extrême jeunesse. En rendant compte de ce succès, la grave Epoca relevait, non sans ironie, la contradiction que présentait le langage d’un rénovateur qui exaltait tout ensemble la religion et la Révolution. C’était bien le même jeune homme qui allait écrire La Hermana de la Caridad : âme chantante et ailée, rêveur épris de ses songes, à qui, selon la parole de Bacon, l’expérience n’avait pas mis encore ses sandales de plomb...
Les jeunes gens avancent vite dans les partis révolutionnaires ; on portait déjà à la députation cet étudiant à qui il manquait bien trois ans pour être éligible. Les feuilles démocratiques mirent en avant sa candidature. Ce qui valait mieux, elles lui ouvrirent leurs colonnes ; Castelar devint d’emblée rédacteur en chef du Tribuno. Il s’élançait dans la carrière de lutte et de propagande qu’il n’a cessé depuis de courir, formulant les doctrines de son parti et les répandant par ses leçons, par ses livres, par ses discours, surtout par la presse. Il allait être un des grands journalistes de ce temps. La moitié de son œuvre, sinon plus, est là. Dès l’abord, il fit apparaître cet étrange dualisme que nous retrouverons désormais dans sa vie. Adorateur des idées abstraites et mêlé à l’action, poète et combattant, par tout un ordre de qualités ou de défauts, il semblait peu propre à son nouveau rôle ; par une série d’autres, il y convenait à merveille. S’il n’avait pas la concision qu’il faut au journaliste, en revanche, il possédait, comme pas un, cette vertu première du métier, une plume toujours prête. On sent que Castelar écrit, comme il parle, d’abondance. Devant