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chacune pour tel ou tel système électoral. Sur un seul point tout le monde est d’accord, à savoir sur le régime actuel qui, de l’aveu général, n’est plus viable et doit être modifié.

Les catholiques eux-mêmes sont de cet avis, et ce n’est pas, on peut le croire, par défaut de reconnaissance envers un mode électoral qui leur a donné jusqu’à ce moment de si grandes victoires, mais par une crainte de plus en plus éveillée de voir ces victoires prendre fin. La durée excessive, la quasi-perpétuité des catholiques au pouvoir a exaspéré les autres partis, surtout les libéraux et les radicaux. Ils n’acceptent pas leur défaite, en quoi on ne peut que les approuver : le parti catholique lui-même, s’il était sage et prévoyant, comprendrait combien est utile, et même nécessaire, la reconstitution d’un parti libéral, modéré ou progressiste. Il n’a malheureusement rien fait jusqu’à ces derniers temps pour la faciliter, et, dans sa conduite quotidienne, il a paru s’appliquer plutôt à poursuivre l’écrasement des vaincus. Qu’en est-il résulté ? Les libéraux, réduits à servir d’appoint dans une coalition politique, ont hésité d’abord entre les catholiques et les socialistes ; ils se sont divisés en deux groupes, dont le premier inclinait dans un sens et le second dans l’autre ; mais peu à peu ils se sont presque tous rapprochés des socialistes, par une de ces alliances qu’assurément nous n’approuvons pas, et qui consistent à dire qu’on garde ses principes, ses idées, son programme, tout en travaillant provisoirement avec l’ennemi d’hier et de demain contre l’ennemi du jour. Un d’eux est allé jusqu’à déclarer qu’il s’allierait avec le diable contre le gouvernement actuel. Le renverser ne paraissait pas chose impossible. Sur le terrain parlementaire, sans doute il est très fort, car il dispose d’une majorité de 112 voix contre 40 ; — ces 40 voix se décomposent en 28 socialistes et 12 radicaux ;— mais, sur le terrain électoral, la situation est tout autre. Ce qui condamne le système électoral de la Belgique, et ce qui en rend la réforme absolument indispensable, c’est que cette énorme supériorité parlementaire des catholiques sur leurs adversaires ne correspond en rien à la force réelle et proportionnelle des partis. Aux dernières élections, les catholiques ont eu 993 857 voix, et les non-catholiques 936 237. La différence n’est guère que de 57 500 : elle n’est pas assez considérable pour qu’on ne puisse pas la déplacer. Quoi qu’il en soit, étant donné ces chiffres, quelle devrait être aujourd’hui la statistique parlementaire, si les partis étaient représentés à la Chambre dans la proportion où ils existent dans le pays ? Il y aurait environ 78 catholiques et 74 non-catholiques. On est tellement loin de compte, et il y a une