payer, disait-il, ce ne serait plus un âne, ce serait un homme. » On reconnaissait alors Pascarella à trois signes extérieurs : un chapeau en forme de cône tronqué, une pipe toujours allumée, et un châle inusable qui s’enroulait autour de lui de mille façons diverses, et qui lui servait à tout, tantôt manteau, tantôt parapluie, ou tente, ou coussin. Au reste, il s’est décrit lui-même un jour, sur l’album d’une marquise romaine. Bientôt, dit-il, on me mettra en cage comme un singe et l’on me montrera par le monde. « Et alors, celui qui fera l’explication dira : N’ayez pas peur, mesdames et messieurs, venez voir ! Dans cette cage on montre le grand avorton de la nature, avec tous ses membres en proportion, haut de deux palmes et demie, qui peint les vers en peinture, comme aussi le portrait des personnes. D’abord, il vous récitera un sonnet, puis il fumera la pipe et il fera voir comme il s’entortille dans son châle, et enfin, — dira l’explicateur, — il peindra un âne droit sur ses pieds ; car, pour les ânes, c’est un grand peintre. »
Pascarella vivait donc surtout hors de chez lui, avec ses modèles, et il ne rentrait guère dans son atelier que pour se reposer et pour lire. C’était un indescriptible capharnaüm : des étoffes, des ferrailles, des branches jaunies, des dessins, des peaux de serpens, des amas de livres sur des tables, des papiers, des cartes, des coquillages... Dans un coin un grabat où le maître du lieu fumait, lisait, pensait et dormait, et partout, sur les murs, des inscriptions. Les plus étranges étaient celles qu’on lisait avant d’entrer, sur la porte, tracées au crayon, à la craie, au charbon ou en couleurs ; car les amis de Pascarella inscrivaient là ce qu’ils avaient à lui faire savoir lorsqu’ils ne le trouvaient pas chez lui, et lui-même, avant de sortir, y inscrivait aussi ce qui pouvait les intéresser : « Je l’attends à deux heures. » — « Ce soir, au Ghetto, n’y manque pas. » On lut un jour : « Attendez, je vais un instant dans l’Inde ; je reviens tout de suite. » Ses amis crurent à une plaisanterie. Mais en vérité il y était parti, et il en revint. C’est un voyageur parfait, marcheur formidable, qui ne souffre ni du chaud, ni du froid, ni de la fatigue, et qui raconte merveilleusement ses voyages.
Aujourd’hui M. Cesare Pascarella, moins bohème, mais toujours un peu sauvage, occupe, via Laurina, à un quatrième étage, un appartement entouré et envahi d’un jardin suspendu peuplé de toutes les variétés de roses. Sur les murs, des ferrures du XVe siècle, des madones comme celles de Donatello, encadrées de