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LES ROMAINS ET LEUR POÈTE

CESARE PASCARELLA


I

Parmi les curiosités de Rome qui échappent au voyageur pressé et dont les guides ne se soucient pas, on doit mettre au premier rang le peuple même de la ville. Bon nombre d’étrangers habitent Rome depuis des mois et l’habiteraient jusqu’à la fin de leur vie sans se douter qu’il existe. C’est que le peuple de Rome n’est pas très facile à découvrir. Non seulement il disparaît dans la masse cosmopolite qui se répand aux environs du Corso, sur les quartiers que les étrangers fréquentent de préférence, mais là même où l’on s’imagine le voir s’étaler dans tout son naturel et dans toute sa franchise, aux places choisies, aux endroits visités des artistes, il n’y a guère de lui qu’une apparence. Tous les matins, la piazza Montanara, au pied du Capitole, fourmille de costumes et de types originaux, que le passant s’attarde quelquefois à considérer. Au trot de petits chevaux maigres, des cavaliers arrivent, vêtus de vastes manteaux doublés d’un vert éclatant ; ils tiennent à la main, comme une lance, un grand bâton ferré pour chasser les chiens. Les voitures se succèdent, de longues charrettes peintes, équilibrées sur deux roues, attelées de mulets, chargées de petits tonneaux ou de légumes, où le conducteur, une face de brigand sous un chapeau pointu, est assis à gauche, dans une niche multicolore recouverte d’une capote bleue posée de travers. Des femmes dont la peau semble refléter le soleil qui l’a brunie,