meurtri d’une chute qui retentit en lui comme un craquement du monde, il a fui cette cour et ces palais d’ingratitude, il s’est exilé en pleine forêt. Il y a apporté des colères de dieu tombé, toutes ses haines[1] : sa haine contre l’impératrice Augusta, contre l’impératrice Victoria, contre les femmes, patientes et sournoises tricoteuses « d’intrigues » politiques ; sa haine contre les ministres, ses créatures pour la plupart, qui n’ont paru éprouver, dans son infortune, que le soulagement d’être délivrés de lui ; sa haine contre un parlement bavard et brouillon, mené par des chefs de groupes qui ne sont que des condottieri d’espèce inférieure ; sa haine contre tous ceux qui se sont trouvés sur sa route, et qui ne se sont pas humiliés, ou qu’il n’a pas pu réduire à merci ; contre ceux mêmes qu’il a broyés et auxquels, à la mémoire même desquels il ne pardonne pas[2] : « J’oublie quelquefois, jamais je ne pardonne. » Et toutes ces haines s’exacerbent, s’enveniment d’une haine inexpiable, qu’il est obligé de comprimer, et dont il cuit et recuit le fiel.
Autour de lui, un culte domestique, une idolâtrie qui l’exalte. Il a ses familiers auprès de qui il s’épanche. Et il s’épanche auprès des reporters qui sonnent à la grille, auprès des délégations d’étudians et des députations de vétérans qui viennent déposer un bouquet. Il s’épanche en trois gros volumes de notes et en de nombreux articles de journaux. Il blâme tout ce qui se fait, et qu’il ne fait pas. Qu’est-ce que ce successeur qu’on lui a donné ? Comment l’Empire tient-il encore ? Mais tient-il vraiment, et pour combien de temps, sans lui ? En partant, on assure qu’il a dit un mot, terrible dans sa bouche ; « Le Roi me reverra. » — Le Roi, plus d’Empereur. Pour se venger de ne plus agir, il parle et il parle, il écrit et il écrit. Il ne sait pas avoir la majesté du silence : il ne sait pas descendre, les lèvres closes, dans la tombe, creusée quelques années trop tôt, de l’histoire. Parmi les arbres, il ne sait pas se changer en arbre ; il ne sait pas renoncer à y vivre une vie qu’il ne peut plus vivre : la solitude de sa forêt est pour lui le septième cercle de l’Enfer.
Or, au septième cercle de l’Enfer, Dante cassa un rameau sur