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sentimentalité, qui n’est subordonnée à aucune conception spéciale de la nature ou de l’objet de l’Etat, et qui est, entre toutes, celle qui sûrement l’a déterminé.

Qu’on y rapporte ses actes : les contradictions apparentes s’expliquent et cessent d’être vraiment des contradictions : les lois de protection se concilient avec les lois d’exception, ou tout au moins les unes n’empêchent pas de comprendre les autres : Bismarck couvre le socialisme légalisé et, pour ainsi dire, le subventionne, tant qu’il en peut tirer de la force pour l’Empire ; il combat implacablement le socialisme révolutionnaire, dès que celui-ci se redresse, menaçant, contre l’Empire. L’Empire : consolider et renforcer l’Empire ; après l’avoir fait, le faire vivre, le faire survivre ; après l’avoir planté dans le sol, l’enraciner dans les lois, les mœurs, les habitudes allemandes. C’est pour consolider et renforcer l’Empire qu’il entreprend et sa réforme financière et sa réforme administrative ; pour le consolider et pour le renforcer qu’il institue le septennat militaire. C’est parce qu’il craint de le distraire, de le disperser et de l’affaiblir, qu’il ne s’engage qu’avec réserve, et comme malgré lui, en des acquisitions coloniales : il a peur que l’Empire ne puisse, sans dommage ou sans risque, mener de front une politique coloniale et la politique continentale qu’il lui convient de suivre ; il sait que l’Afrique fait diversion à l’Europe : aussi nous y pousse-t-il à fond, en ayant soin de n’y poser qu’un pied. C’est pour consolider et renforcer l’Empire qu’il nous lance vers tous les points cardinaux qui ne sont pas l’Est. Et c’est encore pour le consolider et pour le renforcer qu’il commet ses erreurs ou ses fautes les moins contestables : le Culturkarapf[1], sa lutte ardente et violente contre les nationalités réfractaires. Evêques et catholiques, Polonais, Danois, Guelfes et Alsaciens-Lorrains, il ne leur livre une bataille si acharnée que parce que, ceux-là à tort, et quelques-uns de ceux-ci à raison, il les tient tous pour hostiles à l’Empire. C’est pour le consolider et le renforcer, enfla, qu’il négocie la Triple-Alliance, laquelle n’est, à bien l’examiner, qu’une assurance contre les accidens de la politique, au profit de l’Empire allemand.

Au surplus, de tout cela, ou de plusieurs de ces questions prises en elles-mêmes, réforme financière, réforme

  1. Voyez, avec les études de M. le comte Lefebvre de Béhaine, l’intéressante biographie : Ludwig Windthorst, ein Lehensbild, von J. Knopff, dans la collection des Männer der Zeit, 1 vol. pet. in-8 ; Dresde et Leipzig. 1898 ; Carl Reissmer.