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LE PRINCE DE BISMARCK

II.[1]
LA PÉRIODE TRIOMPHANTE

Par la guerre, l’Allemagne a pris forme ; le métal, quelques années chauffé à blanc, se refroidit et se durcit pour des siècles : tout à l’heure, tandis que le bras cyclopéen le battait, on ne songeait, aveuglé par la fumée et assourdi par le bruit du marteau, qu’à en deviner la courbe encore molle et flexible ; mais, à présent qu’elle est fixée en sa rigidité définitive, on pense au « tour de main, m au secret, à l’art du forgeron. C’est de lui, surtout, de ce forgeron politique, qu’il est vrai de dire qu’il s’est fait en forgeant ; — et voici quelques-unes des difficultés et des habiletés de son métier.

M. de Bismarck ne s’est mis à la besogne qu’après une préparation longue et lointaine, une étude directe et indirecte des situations et des personnages, toutes sortes de reconnaissances et de sondages. Il est allé chercher à Francfort et dans les duchés de l’Elbe la clé de sa politique allemande, à Saint-Pétersbourg et à Paris la clé de sa politique autrichienne, à Londres, à Vienne et à Rome la clé de sa politique française ; il a ébauché, dès 1848, sa politique intérieure de 1862 ; en 1839, sa politique extérieure

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.