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enfin nous définir les méthodes originales de stratégie par lesquelles se sont distingués les uns des autres les grands capitaines de l’âge moderne ?

Depuis lors, je le sais, les programmes du cours d’histoire ont été remaniés ; plus d’un ministre a recommandé de n’appeler l’attention que sur les personnages de premier rang et sur les grandes scènes qui frappent l’imagination, enfin de plus insister sur la suite et sur les résultats que sur le détail des événemens ; mais ces conseils ont-ils été toujours et partout suivis ? Il parait douteux qu’une circulaire ministérielle ait eu la vertu de corriger, du jour au lendemain, des habitudes invétérées, et nous inclinons à penser qu’il serait encore possible à ces maîtres d’abréger le récit des luttes politiques, des négociations et des batailles. En resserrant la trame de leur exposition, peut-être trouveraient-ils moyen d’y ménager des éclaircies où s’inséreraient les leçons consacrées à l’art, soit qu’elles dussent former une série spéciale, soit qu’elles vinssent s’encadrer, à leur place, dans l’ensemble de ce tableau du passé qu’ils sont chargés de présenter.

S’il est permis d’espérer que l’histoire proprement dite, en se tassant, puisse donner plus d’air et de jeu à l’histoire de l’art, peut-être, au nom de celle-ci, serait-on fondé à réclamer de la philosophie des concessions du même genre, qui se justifieraient encore mieux. Je n’ai point qualité pour entreprendre la critique de l’enseignement qui se donne dans la plus haute classe de nos lycées ; mais, cette critique, je l’ai entendu faire par des hommes qui ne pouvaient être soupçonnés ni de ne point connaître, ni de ne point aimer la philosophie. Ils regrettaient la place qu’avaient prise, dans certains de ces cours, aux dépens de la psychologie, de la logique et de la morale, des questions qu’ils regardaient comme insolubles. Plus d’un maître, disaient-ils, avait le tort d’induire ainsi les jeunes gens à employer couramment des termes dont le sens ne leur avait pas été nettement défini, ne l’avait pas été parce qu’il ne pouvait pas l’être, parce que ces termes ne représentaient pas des idées claires. À cette école, l’esprit prend de mauvaises habitudes ; il s’accoutume à croire comprendre alors qu’il ne comprend pas, au vrai sens du mot, alors qu’il ne fait qu’entrevoir, comme dans la pénombre, de vagues apparences. Il se grise ainsi d’abstractions ; il joue avec des formules qu’il prend pour des solutions, formules creuses qui ne laisseront derrière elles que l’incertitude et le vide, le jour où l’intelligence, mûrie