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la substance même de cet esprit, c’est celles qui se sont imposées à lui, dès le collège, avec une autorité incontestée. Il a été parfois question de retirer des lycées l’enseignement de la philosophie pour le reporter à l’Université. Serait-ce un bien, serait-ce un mal ? Je ne discute pas ici la question ; mais ce qui est certain, c’est que, du jour où ce changement aurait été décrété, la philosophie, comme aujourd’hui la langue et la littérature sanscrite, ne serait plus étudiée que par de rares curieux. S’il est démontré qu’un esprit étranger à toute notion des choses de l’art n’est pas un esprit vraiment cultivé, renseignement qui peut seul combler cette lacune doit être établi, au lycée, aussi bien dans la division classique que dans la division moderne. Sans prétendre exiger une aussi forte part du temps des élèves que celui de l’histoire générale, il a droit à être mis sur le même pied et protégé par les mêmes sanctions ; il réclame des heures qui lui appartiennent en propre ; il veut être donné par des maîtres qui soient qualifiés pour leur tâche et qui disposent d’un matériel sans lequel ils ne sauraient servir à leur auditoire autre chose qu’une stérile nomenclature de noms et de dates. Quand il aura été ainsi doté et organisé, les juges des examens et des concours où la mention de l’art ne figure aujourd’hui que pour la forme pourront exiger que l’on sache ce que l’on aura eu les moyens d’apprendre.

Lorsque l’heure paraîtra venue de réaliser ce progrès, il faudra se garder de croire que, pour assurer le succès de la réforme, il suffise de décider que le programme de 1891 s’étendra désormais à une autre série de maîtres et d’élèves, sans que rien soit changé d’ailleurs aux conditions dans lesquelles ce programme a été appliqué depuis sa mise en vigueur. Ces conditions laissent fort à désirer. Les maîtres qui ont été, à l’improviste, chargés de cet enseignement nouveau n’avaient pas été préparés à le donner, et il ne semble pas qu’ils aient été très encouragés à faire effort pour acquérir la compétence qui leur manquait. Insuffisant dès le début, le temps affecté à ces leçons a encore été réduit, dans un remaniement tout récent du plan d’études ; il n’est plus que d’une heure par semaine, mesure qui n’était pas faite pour intéresser les proviseurs et les principaux au succès de la tentative ainsi engagée. L’expérience n’avait pourtant quelque chance de réussir que si les administrateurs s’étaient partout ingéniés pour fournir aux professeurs qui inauguraient ces cours les élémens de l’appareil documentaire dont ils ne pouvaient se passer. Il est aussi