Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sculpteurs tels que Caffieri et Houdon donnent au portrait une merveilleuse intensité de vie, tandis que les terres cuites de Clodion, avec ce qu’il y met de fantaisie et de charme voluptueux, rappellent les antiques modeleurs d’argile. Des peintres comme Greuze et Lancret, Nattier et Boucher donnent aux yeux de vraies fêtes, tandis que Watteau et Fragonard évoquent le rêve des Cythères idéales, de ces paradis chimériques où règnent l’éternelle jeunesse et l’éternel désir. La politique de nos rois et de nos ministres, à cette époque, n’est guère qu’une succession de fautes ou de défaillances. Les desseins qui paraissent les mieux concertés n’aboutissent point ; les victoires les plus brillantes n’ont pas de résultats utiles. Si la France garde encore, malgré tant d’échecs, sa primauté en Europe, c’est à ses écrivains et aussi à ses artistes qu’elle en est redevable.


II

Nous en sommes presque à nous demander si nous n’avons pas mis trop d’insistance à plaider la cause de l’art ; cette cause, nous dira-t-on peut-être, est déjà gagnée dans tous les bons esprits. On pourrait, en effet, relever plus d’un indice qui donne à penser que la curiosité commence à se tourner plus franchement vers ces études qu’elle ne l’avait fait jusqu’à ces derniers temps. C’est ce dont témoigne surtout la place qui leur a été attribuée, dans notre enseignement supérieur, par des créations de chaires, toutes plus ou moins récentes. Cette place est encore bien restreinte et, dans la plupart de nos Universités, ces études ne sont pas représentées ou ne le sont que bien incomplètement ; là, cependant, le principe est posé, et avec le temps, il sortira ses conséquences ; mais, dans l’enseignement secondaire, depuis le timide essai tenté en 1891, il n’a pas été fait un pas en avant. Il n’y a toujours qu’un petit nombre de nos écoliers qui soient censés recueillir le fruit de cette réforme ; or, tant que le bienfait n’en aura pas été étendu à tous les élèves de nos lycées, on ne pourra pas dire que l’art et son histoire aient conquis, dans l’œuvre collective de l’éducation nationale, leur part légitime d’influence et d’action.

En France, où l’on ne va guère à l’Université que pour s’y préparer à une profession, les seules disciplines qui fournissent leur apport à la culture générale de l’esprit, les seules qui pénètrent