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le seul Aristophane, la comédie ancienne, la moyenne et la nouvelle avec ce Ménandre qui, depuis la Renaissance, est l’éternel regret des délicats, que toute cette poésie ne suffirait pas à épuiser la fécondité multiple, la prodigieuse richesse de l’imagination qui l’a créée. Si la malchance avait voulu que tous les ouvrages de la plastique grecque disparussent, nous serions condamnés à toujours ignorer certains aspects, certains modes de l’âme grecque. Est-il rien, dans la littérature, qui vaille les figurines de terre cuite, — les Tanagre, comme on dit, — pour faire comprendre combien la Grèce a senti et goûté la beauté féminine, non pas seulement dans ses types les plus sérieux et les plus nobles, chez une Pallas ou une Aphrodite, mais aussi chez la courtisane, chez la bourgeoise ou l’ouvrière d’une petite ville, observées et saisies dans la grâce abandonnée du tous les jours, dans la liberté des attitudes les plus familières ? Si nous jugions la religion de la Grèce seulement par les épithètes dont les poètes se servent pour définir les dieux et par les actions qu’ils leur prêtent, nous risquerions de la mal juger. C’est en contemplant les effigies de ses dieux que nous nous rendons le mieux compte des idées qu’ils ont attachées à chaque type divin. Nous ne possédons plus, hélas ! ces chefs-d’œuvre de Phidias qui, nous disent les anciens, avaient rendu les hommes plus religieux : l’Athéné Parthénos de l’Acropole et le Zeus d’Olympie ; mais, même dans les réductions qui en sont arrivées jusqu’à nous, on devine comment le maître avait exprimé, ici, l’idée de l’intelligence lumineuse et calme, de la sagesse suprême, et, là, celle de la force souveraine au repos, de la toute-puissance tempérée par la bonté, telle qu’on la conçoit dans le souverain du monde, dans le père des hommes et des dieux.

Nous avons pu regretter que nos élèves ne fréquentent pas davantage le musée du Louvre ; il en est pourtant, je le sais pour y avoir aperçu plus d’un lycéen, qu’y conduisent parfois soit les conseils de leurs maîtres, soit le désœuvrement des dimanches inoccupés ; mais, d’ordinaire, ces visiteurs, impatiens de gagner les salles de la peinture, au premier étage, traversent avec quelque hâte les galeries du rez-de-chaussée, celles qui renferment les ouvrages de la sculpture antique. En les voyant courir ainsi, à pas pressés et le regard distrait, combien j’aurais voulu les prier de ralentir leur marche et de prêter l’oreille ! Si on leur avait appris à écouter, ils auraient entendu parler ces statues rangées contre