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d’orgueil : « La production de ces grands génies, fait dire Richelieu de lui-même, n’est pas l’ouvrage ordinaire d’un bissexte. Il faut parfois la révolution entière de quatre siècles à la nature, pour en former un pareil à cettuy-cy, en qui se rencontrent ensemble toutes les excellentes et rares qualités qui seules à part peuvent mettre bien au-dessus du commun ceux qui en sont pourvus. Je ne parle point seulement de celles qui sont en quelque façon de l’essence de la profession qu’il fait : comme la piété, la sagesse, la prudence, la modération, l’éloquence, l’érudition, et leurs pareilles ; je dis des autres mômes, qui semblent en être entièrement éloignées : comme celles qui composent la perfection d’un chef de guerre, etc. »

Parmi les pièces officielles du volume, il s’en trouve dont la publication aurait fait rentrer sous terre, pour le reste de ses jours, tout autre que Gaston. On y voit son traité de paix de 1632, signé à Béziers (29 septembre) après la bataille de Castelnaudary, où le duc de Montmorency avait été battu et pris sous ses yeux. Monsieur s’y engage à abandonner ses amis, à « ne prendre aucun intérêt en celui de ceux qui se sont liés à lui en ces occasions… et ne prétendre pas avoir sujet de se plaindre, quand le roi leur fera subir ce qu’ils méritent. » Il promet « d’aimer particulièrement son cousin le cardinal de Richelieu. » En récompense de ce que dessus, le roi rétablit son frère « en tous ses biens. » On sait que le traité de Béziers ne termina rien. Gaston avait repassé la frontière en voyant couper la tête à ses partisans. Il ne rentra définitivement qu’au mois d’octobre 1634, sur la foi d’une déclaration du roi qui clôt le Recueil, et par laquelle Monsieur était rétabli à nouveau « en la jouissance de tous ses biens, apanages, pensions cl appointemens. » C’était pour lui l’article important.

Richelieu tenait à ce que le pays n’oubliât point ces monumens de l’égoïsme et de la sécheresse de cœur de ses princes, puisqu’il prenait la peine de les faire réimprimer. Il atteignit son but. Le public eut son opinion faite, avec cette conséquence qu’il ne s’intéressa plus à personne dans la famille royale, sauf toujours Anne d’Autriche, reléguée dans la pénombre. Marie de Médicis pouvait désormais crier ses fureurs, Gaston se poser en victime et Louis XIII sécher de mélancolie, sans que la France s’en émût le moins du monde. Richelieu avait peut-être cru que leur impopularité lui profiterait. Ce fut tout le contraire ; il la partagea,