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me sauver de leurs mains. (Avesnes, 28 juillet 1631.) » Au lieu d’avoir pitié de ces gémissemens de vieille femme qui se sent vaincue, Louis XIII lui répliqua : « Madame, je suis d’autant plus fâché de la résolution que vous avez prise de vous retirer de mon Etat, que vous n’en aviez point de véritable sujet. La prison imaginaire, les persécutions supposées, dont vous vous plaignez, et les appréhensions que vous témoignez avoir eues à Compiègne de votre vie, n’ont pas plus de fondement que la poursuite que vous mettez en avant vous avoir été faite en votre retraite. » Il lui fait ensuite un éloge pompeux du cardinal et termine en ces termes : « Vous me permettrez, s’il vous plaît, de vous dire, Madame, que l’action que vous venez de faire, et ce qui s’est passé depuis quelque temps, fait que je ne puis ignorer quelles ont été ci-devant vos intentions, et ce que j’en dois attendre à l’avenir. Le respect que je vous porte m’empêche de vous en dire davantage. » Il est certain que Marie de Médicis n’avait eu que ce qu’elle méritait, mais ce n’était peut-être pas à son fils à le lui dire avec cette brutalité.

Les lettres de Gaston sont des chefs-d’œuvre en leur genre. Elles font le plus grand honneur au sens psychologique de ce névrosé si intelligent. Monsieur connaissait le fort et le faible de son frère. Il le savait jaloux, ulcéré de sa propre insignifiance en face du grand homme qui travaillait à faire « d’une France languissante une France triomphante[1], » et il trouvait avec un art merveilleux les mots les plus propres à irriter ces plaies secrètes. Sa correspondance débute par des insinuations sur l’intérêt qu’avait Richelieu à les brouiller, afin de tenir plus sûrement le roi en sa dépendance : « Je supplie… Votre Majesté… de vouloir faire réflexion sur ce qui se passe, et d’examiner les desseins de ceux qui en sont auteurs : vous trouverez, je m’assure, si vous y prenez garde, que leurs intérêts ne sont pas les vôtres, mais qu’ils sont d’autre nature, et vont plus avant que vous n’avez pensé, jusques ici (23 mars 1631). » Dans la lettre suivante, Monsieur s’adresse à la fois aux mauvais sentimens de Louis XIII et à sa conscience de souverain. Il feint de s’attendrir sur la « condition déplorable » de son frère, réduit, malgré ses « très grandes lumières d’esprit, » à n’être qu’une ombre de roi, sans autorité, sans volonté, compté pour rien dans son propre royaume, privé

  1. Recueil etc., Discours sur plusieurs points importuns de l’étal présent des affaires de France.