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description à l’heure de la foule. Deux de ses personnages[1]se rendent à Paris par le village de Chaillot : « En arrivant du côté par où Hermogène mena Bélésis, on trouve le long de ce beau fleuve quatre grandes allées si larges, si droites, et si sombres par la hauteur des arbres qui les forment que l’on ne peut pas voir une promenade plus agréable que celle-là. Aussi est-ce le lieu où toutes les dames vont le soir dans de petits chariots découverts, et où tous les hommes les suivent à cheval ; de sorte qu’ayant la liberté d’aller tantôt à l’une et tantôt à l’autre, cette promenade est tout ensemble et promenade et conversation, et est sans doute fort divertissante. » Hermogène et Bélésis, ayant pénétré dans le Cours, « virent ces grandes allées toutes remplies de ces petits chariots peints et dorés, dans lesquels les plus belles dames de Suze (Paris) étaient, et auprès de qui un nombre infini d’hommes de qualité, admirablement bien montés et magnifiquement vêtus, allaient et venaient en les saluant, » L’été, on s’attardait au Cours-la-Reine et l’on venait finir la soirée chez Regnard ; Marie de Médicis et Anne d’Autriche y manquaient rarement.

Tout à côté, les Champs-Elysées offraient aux regards une forêt sauvage, par laquelle on allait courre le loup au Bois de Boulogne. Le village de Chaillot s’apercevait dans le lointain, perché sur une hauteur parmi les champs et les vignes. Des jardins maraîchers couvraient les quartiers de la Ville-l’Évêque et de la Chaussée-d’Antin.

Mademoiselle eut aux Tuileries une installation royale. « On fit ma maison, rapporte-t-elle dans ses Mémoires, et l’on me donna un équipage bien plus grand que n’en a jamais eu aucune fille de France. » Elle était encore tout heureuse, trente ans après, de la nombreuse domesticité, haute et basse, dont une parenté prévoyante avait entouré son berceau, établissant ainsi aux yeux de l’Europe, par des signes irrécusables, l’importance de sa petite personne. On était obligé d’attacher du prix à ces sortes de détails. Le monde s’était accoutumé, du temps à peine déclinant où la force brutale était tout, à juger de la grandeur des princes par leur train. C’est parce que la Grande Mademoiselle eut dès le maillot une armée d’écuyers et d’huissiers, de valets et de marmitons, qu’elle put aspirer plus tard sans outrecuidance à la

  1. Dans le Grand Cyrus.