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l’école Monge, à bout d’essais pédagogiques, est devenue le lycée Carnot ? Mais, « désirable » ou non, ce qu’il y a de certain, c’est que cette diversité de types scolaires est étroitement liée à la suppression du baccalauréat, et même du « certificat d’études » tel que nous le définit le Rapport de M. Pozzi. La préparation des « examens de carrière, » que redoute M. Gréard, engendrera d’elle-même cette variété dont on attend merveilles, « La fonction créera l’organe, » selon l’expression de M. Pozzi, et comme aussi bien nous l’avons déjà vu se produire à Paris pour Louis-le-Grand, pour Saint-Louis, pour Charlemagne. « Un père de famille sera vraiment libre d’élever son fils à sa guise. » Et qui s’en plaindra ? Ce ne sera même pas la « concurrence, » — qui n’a jamais contesté sérieusement à l’Etat le droit de conférer les grades ou de rédiger les programmes ; — qui ne s’irrite que de le voir s’immiscer, d’une manière, à la vérité, plus taquine que tyrannique, dans ce qu’elle estime qui ne le regarde pas ; — et dont le rôle sera peut-être un jour ou l’autre de sauver, je ne dis pas l’enseignement classique, mais la « culture générale, » de la décadence où l’entraîne le poids mort du baccalauréat.

Je ne veux point ici toucher à la question de la liberté de l’enseignement, et même je n’en aurais seulement dit mot si M. Pozzi, dans son Rapport, ne m’en avait donné l’exemple. M. Pozzi n’est point ennemi de la liberté de l’enseignement, et il consent « qu’elle fasse partie de notre droit public. » Il n’admet pas qu’on en revienne au « monopole universitaire, » et il a même le courage, à ceux qui en forment le vœu, d’en faire énergiquement le reproche. Pourquoi faut-il qu’il ajoute que, si d’ailleurs on supprimait jamais la liberté de l’enseignement, ce ne serait après tout qu’un « retour à la législation qui a régi l’Université depuis le décret impérial du 17 mars 1808 jusqu’à la loi du 15 mars 1850 ? » On croirait entendre Jules Ferry s’autorisant de l’exemple de Louis XV pour demander l’expulsion des Jésuites. Et, comme Ferry, M. Pozzi d’ajouter : « Il n’est pas inutile de rappeler ces souvenirs à ceux qui seraient encore tentés d’accuser d’oppression le régime républicain. » Oh ! quel raisonnement ! et si le régime républicain ne s’est établi que sur la ruine de ces « régimes d’oppression, » comment serait-il admis à se réclamer d’eux ? ou comment leurs us et coutumes lui pourraient-ils jamais servir d’excuse, puisque sa raison d’être n’est que de les avoir abolis ? Les trois quarts des Français ne tiennent