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seulement en apparence, — l’industrie des boîtes à bachot. Mais le moyen de l’appliquer sans toucher à ce qu’il y a de plus essentiel dans la liberté de l’enseignement, je veux dire le droit, qu’on ne saurait me disputer, d’élever moi-même mon fils ou de le faire élever chez moi ? Et aussi, après avoir posé, dans l’article 3, que les « élèves des établissemens de l’Etat subiraient l’examen dans les établissemens auxquels ils appartiennent, devant un jury propre à ces établissemens, » l’article 4 est-il obligé de dire : « Pour les élèves de l’enseignement secondaire libre, pour ceux qui auront fait leur éducation secondaire dans la famille... il sera institué un jury d’Etat dont les pouvoirs s’étendront à toute l’Académie. » En d’autres termes, le seul avantage qui pût résulter d’une application très sévère des dispositions de l’article 2, l’article 4 l’annule. Pour obtenir à bon compte leur « certificat d’études, » les candidats pressés afflueront devant le jury d’Etat ; il s’instituera, pour y pourvoir, des établissemens « de famille ; » et, s’il est une fois prouvé que, dans la course à la vie, leur empressement donne la moindre avance aux « irréguliers, » on aura donc porté le dernier coup à cette régularité des études qu’on voulait assurer.

Je reconnais maintenant qu’en instituant, comme le demande l’article 3, pour cet examen de fin d’études, un jury propre à chaque établissement de l’Etat, « sous la présidence d’un professeur de Faculté, nommé par le ministre de l’Instruction publique, et investi d’un droit de veto, » on aura déchargé nos professeurs de Facultés d’une partie de leur fardeau. Ce leur sera donc une occasion de voir du pays, et, au lieu que les élèves viennent à eux, c’est eux qui iront au-devant des élèves. Ils se transporteront de ville en ville, de collège en collège, et d’hôtel en hôtel. On leur allouera des frais de déplacement. Ce sera leur tour, après l’inspecteur général, d’être reçu par le principal de la Ferté-sous-Jouarre. Et, comme on dit un peu familièrement, « ils ne s’ennuieront pas ; » mais ce que les études gagneront à ces tournées, c’est ce que l’on voit moins. On ne voit pas non plus, ou du moins le projet de loi a omis de le dire, on ne voit pas quel sera l’effet de ce droit de veto qu’on leur attribue. La commission du Sénat aurait-elle par hasard voulu qu’il n’y en eût point d’appel ? et quiconque, « à la fin de la dernière année scolaire, » n’aura pas obtenu son certificat d’études, ne l’obtiendra-t-il jamais, ou devra-t-il recommencer cette « dernière année scolaire » tout entière ?