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comme disaient nos pères ; ils ne travaillent à s’assimiler que les connaissances, à se rendre maître que des métiers qui payent, ainsi que disent les Américains ; et. répétons-le donc, il n’y a rien de plus fâcheux, mais, pour les en détourner, sommes-nous d’humeur, nous, à leur faire des rentes ? Quant aux « programmes démesurés » dont on parle, et à « l’énorme effort de mémoire qu’ils sollicitent, » je me suis souvent demandé si l’on ne voulait pas plaisanter. Une version latine, c’est-à-dire un exercice dont nos élèves ont depuis cinq ou six ans l’habitude hebdomadaire ; une composition française, de la force moyenne de la classe de rhétorique, ou souvent de seconde ; voilà pour l’examen écrit, et, voici pour l’oral : un peu de grec, très peu de grec, un peu de latin, un peu de français, un peu d’histoire et de géographie, un peu de géométrie ; — en vérité, de qui nous moquons-nous, et que voit-on là de « démesuré, » d’« énorme, » d’« encyclopédique ? » J’en dis autant du second examen, celui qu’on passe au sortir de la classe de philosophie. Si seulement les examinateurs ne posaient pas quelquefois des questions saugrenues, il n’y a rien dans tout cela qui passe la capacité d’une mémoire ou d’une intelligence moyenne de seize à dix-huit ans. Il faut renoncer à cette critique, ou du moins il en faut rabattre ; et, en admettant qu’elle soit fondée en quelque mesure, nous indiquerons tout à l’heure un moyen bien simple de la mettre à néant.

Voici cependant, nous dit M. Pozzi, « le plus grand méfait du baccalauréat : » beaucoup de jeunes gens, — et beaucoup de familles aussi, — le considèrent comme « un premier degré dans le mandarinat social ; » croient que l’Etat qui leur a décerné leur diplôme se doit et leur doit de faire honneur à l’espèce d’« engagement » qu’il a pris ; et comme l’État ne l’entend pas ainsi, ces milliers de bacheliers deviennent autant de « déclassés, » de « mécontens, » ou de « révoltés. » Mais si le mal n’est que trop certain, et que trop profond, la faute en est-elle au baccalauréat ? Il ne faut pas ainsi rejeter sur les institutions des « méfaits » qui ne sont point du tout leur œuvre, mais celle de notre imprudence ou de notre maladresse ; et il ne faut pas surtout vouloir nous faire croire qu’en remplaçant le baccalauréat par un certificat d’études, on va modifier la structure de la société. Si les politiciens qui nous gouvernent depuis vingt ans ont éveillé plus d’ambitions et d’appétits qu’ils n’ont le moyen d’en satisfaire, la faute n’en est pas au baccalauréat, ni même au grec ou au latin, mais à