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Les théâtres mêmes ont, à côté du vestiaire, un dépôt spécial et gratuit à l’usage des spectateurs venus sur leurs pédales. Il va sans dire que ces dépôts sont trop étroits, quand Sarah Bernhardt ou la Duse viennent incarner quelque haute figure de leur répertoire. Seules peut-être, les quelques soirées de gala données, en passant, par l’Opéra de New-York, et où l’on peut entendre parfois, dans la même œuvre, les Reszké, Plançon, Mme Melba ou Mme Eames, ont le don de communiquer au public un goût de correction qui, devant l’habit noir, fait écarter la bécane. Mais de telles visites sont rares ; et, comme il n’existe à Washington aucune troupe permanente, ce sont des compagnies en tournée, le plus souvent sans mérite transcendant, qui se succèdent, chacune pour une semaine, sur les quatre grandes scènes de la ville, dont aucune n’a de genre attitré, le drame alternant avec l’opérette, la satire politique avec de simples défilés de clowns.

Il était naturel que les facilités d’existence qui sont l’attrait principal de la vie, à Washington, développassent le besoin de se réunir, de se grouper qui est si particulier à la race anglo-saxonne. Les associations contre l’ennui sont là aussi variées, aussi nombreuses qu’ailleurs les associations d’affaires. Cercles sans programme défini, cénacles littéraires ou artistiques, sociétés sportives, leur liste est, pour ainsi dire, sans fin. Le Metropolitan Club qui tient le record de l’élégance, le Cercle de l’armée et de la marine sont à la tête des premiers ; le Cosmos est en vedette, parmi les seconds ; le Columbia Athletic Club, avec un gymnase magnifique, domine la dernière série. C’est dans ce hall de vingt mètres de haut et pourvu, pour la course, d’une vaste galerie circulaire, que l’étudiant, le commis, l’employé désireux de faire jouer ses membres et d’oublier la paperasse, le sucre ou les étoffes, trouve 300 appareils plus ingénieux l’un que l’autre grâce auxquels il peut passer tour à tour des travaux des champs à ceux de la guerre et de la rentrée des foins à la charge du canon. Inutile d’ajouter que ce gymnase a pour annexes une piscine, des bains de tout ordre, une bibliothèque, des salles de lecture et de repos, et le bar indispensable, oublié par M. Puvis de Chavannes dans son Ludus pro patria.

Cinquante autres sociétés de toutes dénominations gravitent autour de ces modèles. Les femmes ont, comme de juste, leurs chapelles : le Washington Club, les Filles de la Révolution, cercle tout patriarcal malgré son titre flamboyant, et dont les habituées