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d’un cheval lui brisa le crâne contre le tronc d’un chêne. Cette mort qui évoque vaguement Absalon et Brunehaut devait être celle de notre peintre des drames de la Bible et des temps barbares.

Paul Huet paraît procéder directement de l’école anglaise. Il se complaît aux pluies torrentielles, aux orages ruisselans dans des vallées de rousses frondaisons.

Diaz doit beaucoup à Rousseau. Il excelle surtout à exprimer le mystère des sous-bois, à faire fulgurer un éclat de soleil sur le tronc argenté d’un hêtre, dans la nuit de la forêt ; à faire chatoyer de chaudes transparences de feuillage, par les clairières, près des nappes assombries des hautes futaies constellées d’azur. Je ne parlerai pas de ses tentatives trop renouvelées et malheureuses, ayant pour objet de puérils rêves bohémiens et une mythologie nulle malgré ses prétentions corrégiennes. Louis Français que nous venons de perdre, le vieil ami, est encore trop près de nous pour que nous ayons la prétention de le classer définitivement. Personne plus que lui ne savoura la joie de vivre et ne se répandit en effusions affectueuses. Son art fut avant tout aimable et élégant. Etant taillé comme un hercule, ce peintre devait logiquement avoir pour préoccupation une sorte de grâce féminine. Tandis que Corot, dès l’aurore, courtisait « la belle dame, » qu’il l’adorait avec une candeur pudique ; qu’elle lui répondait par des sourires furtifs d’une tendresse infinie ; tandis que la nature, maîtresse passionnée, capricieuse, ardente, irrésistible, tourmentait Th. Rousseau, le jetant dans mille troubles. Français, lui, trouva en elle une amie exquise, pleine de complaisance à se laisser aimer avec une secrète sécurité. Aussi, jamais d’hésitation ! jamais de hâte chez l’amoureux épicurien, modéré dans ses désirs qu’il peut satisfaire tous. Avec quelle méthode infaillible Français établit ses paysages, prépare ses dessous, dispose ses masses, brode les détails ; file les branches ; y infiltre son subtil et tiède soleil aux lutines caresses ; avec quelle adresse il découpe une feuille dans sa transparence, une anémone, une églantine dont le chatoyant rayon effleure d’une caresse les pistils réveillés ! C’est un amoureux toujours élégant, voluptueux et tendre, mais sans forte passion. Aussi est-il satisfait, heureux, et d’une bienveillance affectueuse pour toute la création et pour ses amis.

Ce peintre pondéré a fait, dans sa jeunesse, deux ou trois petits chefs-d’œuvre. Il ne s’en cachait pas, et lorsqu’on lui parlait de