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NOS PEINTRES DU SIÈCLE

PREMIERE PARTIE


I

Lorsqu’en 1847 j’entrai, comme élève, à l’atelier de Drölling, une sorte d’accalmie succédait aux violentes disputes qui, pendant la Restauration et les commencemens du règne de Louis-Philippe, avaient surexcité les deux partis en lutte : les romantiques et les classiques, autrement dit les coloristes et les dessinateurs. Les fougueux critiques d’art avaient singulièrement adouci leurs attaques et, dans un indulgent éclectisme, Théophile Gautier, leur chef reconnu, en était arrivé à concilier les théories les plus contraires : il partageait ses éloges entre Ingres, Delacroix, les paysagistes, et encourageait en même temps les timides essais des réalistes qui réveillaient la tradition espagnole, flamande et hollandaise. Il déguisait si bien ses jugemens sous la magie de son style prestigieux, qu’il fallait lire entre les lignes pour deviner ses préférences. D’ailleurs, à ce moment, toutes les ardeurs belliqueuses se tournaient vers la politique : l’art vivait en paix.

Désormais consacrés, les maîtres jouissaient tranquillement de leur gloire, surtout ceux qui, comme Eugène Delacroix, Th. Rousseau, et Corot, avaient été d’abord les plus contestés. Leurs efforts se voyaient récompensés par d’éclatantes acclamations, bien que la louange n’eût point encore atteint les divagations