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donner un petit revenu net ; on pourrait aussi se contenter de le rattacher par un embranchement de l’ouest à l’est au Transsaharien ; mais ce dernier chemin de fer doit nécessairement suivre un tracé plus oriental.

Partant de Biskra, le chemin de fer transsaharien aboutira au nœud de nos voies ferrées nord-africaines ; il sera à portée de Bône, Philippeville, Bougie, Alger même, moyennant la construction d’un court tronçon de Bordj-bou-Aréridj à la ligne de Batna-Biskra ; il pourra même être rattaché à Bizerte par la continuation de la ligne en projet de Gafsa à Tozeur jusqu’aux environs de Tougourt par El Oued. Le tracé Biskra-Ouargla-Amguid s’impose d’une façon absolue.

La question du Transsaharien est maintenant très amplement éclairée. Comment hésitons-nous à entreprendre cette grande œuvre qui était quasi décidée il y a dix-neuf ans ? De toutes parts, Anglais, Américains et Russes ne parlent que d’énormes travaux ; nous, nous ne pensons qu’à de petits chemins de fer côtiers, qui peuvent avoir une utilité régionale, mais qui ne donneront jamais à notre empire africain la charpente dont il a besoin, qui ne mettront jamais les tropiques à quatre jours et demi ou cinq jours de Marseille, Gênes et Trieste, à cinq jours et demi ou six jours de Paris, Londres et Bruxelles. Nous nous complaisons dans les choses mesquines ; ce qui est grand épouvante nos faibles cervelles. Cependant, nos explorateurs font de magnifiques prouesses : Gentil dans la région du Tchad, Marchand sur le haut Nil ; nous les applaudissons, les couvrons de fleurs, puis retournons à nos distractions, à l’insignifiance de notre vie privée et de notre vie publique ; nous ne faisons ni même ne tentons rien pour consolider en nos mains et pour utiliser l’œuvre de ces braves. Prenons-y garde, elle nous échappera ; le haut Nil nous a déjà échappé ; il en sera bientôt de même du Ouadaï, car nous défions que jamais on le soumette et on le gouverne autrement qu’avec le Transsaharien. Le Sénégal et le Congo sont des bases trop fragiles ; l’Algérie-Tunisie seule fournit une base sérieuse à notre action dans le centre de l’Afrique. Ecoutons ce que disait dans la séance du 30 mai dernier le ministre des Affaires étrangères, M. Delcassé, au Sénat, en s’excusant d’avoir abandonné à l’Angleterre le Bahr-el-Ghazal : « Quel homme politique n’ayant pas perdu complètement le sens de la réalité, quel ministre sachant que du Caire on peut en vingt jours amener par le Nil des milliers