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réseau ferré des deux tiers de l’Afrique. Le trafic postal peut être déjà un élément appréciable de revenu pour une voie ferrée de ce genre ; qu’on pense à l’importance qu’attachent la France et l’Italie au passage de la malle des Indes et à l’ardeur qu’elles mettent à se le disputer ! Toutes les malles pour les trois quarts du continent africain et pour une partie de l’Amérique du Sud suivront le Transsaharien. Cet exemple entraînera tous les colis à grande vitesse, pour lesquels l’économie de trois ou cinq jours à huit ou dix jours de voyage a de l’importance, et ce n’est pas là non plus, quand il s’agit de zones aussi énormes, un élément négligeable. D’autre part, tous les voyageurs à destination de l’Afrique du Centre, Congo compris, emprunteront aussi cette voie ; ces voyageurs sont de genre très divers : fonctionnaires et leurs familles, chefs ou employés d’administration, officiers allant rejoindre, commerçans, planteurs, colons de toute nature, touristes même, — car il n’est pas douteux que le centre de l’Afrique, mis à cinq ou six jours de Paris, Londres et Bruxelles, soit un centre d’attraction, — prendront le Transsaharien. Ils le feront d’autant plus que cette voie procurera une notable économie d’argent relativement à la voie de mer. Il en coûte de 700 francs à 1 000 francs pour se rendre de Bordeaux aux ports de l’Afrique de l’Ouest, Dakar, Konakri et Kotonou, et l’on n’est que sur la côte ; les 3 000 kilomètres de Philippeville ou Alger à la région du Tchad pourraient, en place de luxe, être franchis pour 400 à 430 francs, ce qui porterait la dépense, à partir de Marseille, entre 480 et 530 francs. Est-il exagéré de penser qu’avec toutes les catégories de voyageurs énumérées ci-dessus on arriverait, les deux sens compris, à une dizaine de mille voyages, procurant au Transsaharien environ 3 millions et demi de francs, surcroît de bagages compris, soit, pour chacun des 2 700 kilomètres du Transsaharien proprement dit, 1 300 francs environ ?

Il y aurait une source non moins abondante de trafic de voyageurs dans le transport des indigènes même du Soudan central aux régions méditerranéennes. Personne n’ignore que les populations primitives aiment beaucoup à se déplacer. Cela se manifeste en Egypte, dans notre Algérie-Tunisie, au Tonkin, en Chine même. Or, la riche région entre le Niger et le Tchad est considérée comme ayant une population d’environ 30 millions de noirs. Ces gens sont assez travailleurs et, du reste, migrateurs. On a