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livrer bataille, les provisions s’épuisaient ; ces circonstances, ainsi que ses instructions toutes pacifiques, décidèrent Flatters, le 21 avril, à se replier sur Ouargla, où il rentrait sans perte le 17 mai. Quoique la mission eût obliqué un peu trop à l’est et qu’elle eût dû rebrousser chemin un peu hâtivement, elle avait eu en somme du succès ; elle rapportait des observations intéressantes et des renseignemens précieux.

Ces résultats parurent assez encourageans pour que, sans désemparer, on préparât une exploration nouvelle qui, poussée à fond, devait être décisive, pensait-on. Sur le désir exprimé par la commission supérieure du Transsaharien, le colonel Flatters, au mois d’octobre 1880, se remit en route avec un personnel en partie renouvelé et accru. Il emmenait 97 chameaux de monture et 180 chameaux de charge, emportant quatre mois de vivres et huit jours de provision d’eau, outre les instrumens les plus divers ; c’est toujours Ouargla qui fut sa base d’opération. Sauf les fatigues inséparables de la traversée d’un pays sauvage, âpre et inconnu, les débuts furent heureux ; on arriva sans encombre à Amguid, en longeant la vallée de l’Igharghar, suivant une direction plus rectiligne que la fois précédente. On tourna cependant un peu à l’est, pour longer le massif montagneux du Hoggar, gagner la sebkha d’Amagdor, immense amas de sel, et de là, à peu de distance, le puits d’Asiou, à partir duquel on entre dans le Sahara méridional, plus clément que celui du nord et déjà sensiblement influencé par les pluies des tropiques. La marche de l’expédition s’accomplissait normalement et l’on allait sortir de la région dangereuse, quand la trahison du guide targui et un moment d’imprudence du colonel amenèrent le massacre de Flatters et de ses principaux compagnons, le désarroi de la petite colonne qui dut battre en retraite dans de fâcheuses conditions et qui n’ayant plus, à partir de Amguid, pour la commander qu’un maréchal des logis dénué d’autorité et d’expérience, périt tout entière, à l’exception de quelques indigènes qui vinrent conter en Algérie le désastre.

C’est à un puits dénommé alors Bir-el-Gharama, et que M. Fourcau, dans les lettres reçues par la Société de Géographie de Paris sur son expédition en cours, appelle Hassi Tadjenout, que fut massacré Flatters. On venait de franchir le tropique du Cancer, on se trouvait à une dizaine de journées de marche de l’Aïr, sorte de chaîne d’oasis sahariennes relativement hospitalières.