Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ancien député de Seine-et-Oise, professe une doctrine, c’est affaire à lui, et personne n’a le droit, ni peut-être le désir, de s’en enquérir. Mais, en 1897, il était l’« orateur » du Grand Convent : on lui avait, suivant ses propres termes, confié « l’inestimable pouvoir d’être, pendant ces jours de vie maçonnique intense qui forment la durée du convent, la voix et le verbe de tous les frères[1]. » Il profita de ses augustes fonctions pour exposer la doctrine maçonnique, au milieu d’applaudissemens unanimes.


Oui, mes Frères, proclama M. Hubbard, il y a une doctrine maçonnique, une et simple comme tout ce qui est beau et grand. Elle n’est pas un système; elle n’est pas la conception passagère d’un seul esprit. Elle est le fruit commun du travail intellectuel et moral de nos loges… Nos loges sont les cellules vivantes de la démocratie unie ; elles élaborent lentement, mais sûrement, la conscience collective de la nation. Elles substituent à l’aveugle foi dans une révélation prophétique, s’imposant par la terreur ou l’imposture aux masses, la définition méthodique et assurée des devoirs et des droits de l’homme… Toutes les religions, mes Frères, ont proposé à chaque homme de s’occuper surtout de lui-même, d’assurer son salut en vue de la mort; elles sont des religions de mort. Votre doctrine est une doctrine de vie, de vie intense, perfectible, toujours ascendante, préoccupée du perfectionnement commun de l’humanité, avec un stoïque dédain de l’avenir personnel. Ce qui vous enthousiasme, c’est le flambeau toujours plus éclatant de l’humanité vivante et non la destinée, problématique jusqu’à l’invraisemblable, de l’individu disparu… Notre doctrine agit et combat chaque jour, au lieu de se bercer dans le bleu de l’infini, où la poésie peut peindre toutes les illusions de la fantaisie, sans que la raison puisse y voir autre chose que les manifestations relatives du Temps, de l’Espace et de la Force. Activité, amour de l’humanité, préparation du mieux social, vous affirmez que c’est là le meilleur aliment de la vie sentimentale et intellectuelle des hommes… Tandis que le prêtre veut tout subordonner au caprice divin qu’il forge et représente à sa guise, vous voulez, vous, laïciser l’existence sociale et ramener les décisions communes à un seul objet, lequel n’est pas la plus grande gloire de divinités indémontrables, mais la disparition de maux, hélas! réels, qui, de tous côtés, soumettent à la souffrance la sensibilité humaine. Telle est notre philosophie directrice, mes Frères[2].

Il y a une « éducation maçonnique, » corrélative de cette philosophie.

  1. C. R. G. O., 20-25 sept. 1897, p. 285.
  2. C. R. G. O., 20-25 sept. 1897, p. 286-287.