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REVUES ÉTRANGÈRES

UN ROMAN SATIRIQUE ANGLAIS


The Individualist, par M. W. Hurrell Mallock, 1 vol. Londres, 1899.


Bloomsbury est un des quartiers de Londres que connaissent le moins les habitans du West-End ; et Tristram Lacy, certain soir de janvier, avait beaucoup de peine à y trouver son chemin. Tristram Lacy était un élégant jeune homme qui, brusquement enrichi par un héritage imprévu, cherchait à faire de ses millions l’emploi le plus sage possible. Il se rendait, ce soir-là, à une réunion organisée dans une salle de Bloomsbury, Startfield Hall, par une société de philanthropes, pour étudier « les moyens d’améliorer le sort des classes ouvrières. » Mais jamais il n’aurait pu découvrir Startfield Hall sans l’obligeance d’un passant à qui il s’était adressé, et qui était précisément un des organisateurs de la réunion. Cet excellent homme, M. Prouse Bousefield, s’était offert à lui servir de guide, et il l’avait invité à venir, en attendant, dîner chez lui, où il aurait le plaisir de rencontrer « une des personnes les plus célèbres de l’Europe, » Mrs Norham, la romancière.


Mrs Norham était incontestablement une personne célèbre. Elle avait écrit un roman à thèse qui s’était beaucoup vendu, en dépit de sa longueur et de sa solennité, et l’avait élevée au rang d’une prophétesse, Elle vivait entourée d’un groupe d’admirateurs enthousiastes qui, si la chose avait été possible, l’auraient prise encore plus au sérieux qu’elle ne le faisait elle-même. Aussi se trouvait-elle dans le plein éclat de ce qu’on pourrait appeler la dissipation éthique ; pareille aux jeunes mondaines qui s’ennuient les soirs où elles ne vont pas au bal, elle se serait désespérée si elle avait dû